Le 30 septembre 2021, sept responsables d’agences de l’ONU en Ethiopie ont été déclarés persona non grata avec l’obligation de quitter le territoire national dans un délai de 72 heures. Le 23 décembre 2022, Barbara Manzi, la Coordinatrice résidente et humanitaire des Nations Unies au Burkina Faso, a été déclarée persona non grata par le gouvernement de transition du pays. Le 5 février 2023, Guillaume Ngefa-Atondoko Andali, le directeur de la division des droits de l’homme de la Minusma a été déclaré « persona non grata » au Mali, avec obligation de quitter le territoire national dans un délai de 48 heures.
Si ces situations, qui reflètent des dynamiques plus larges liées à des enjeux de légitimité, de souveraineté nationale et de compétition entre modèles de gouvernance, ont tendance à se développer, elles révèlent le caractère stratégique et essentiel de la fonction et du rôle de la communication dans les organisations internationales. Parce que la mission des responsables de communication consiste à expliquer, anticiper, adapter et défendre l’image et les actions de l’organisation, afin de préserver son efficacité opérationnelle et sa légitimité tant au niveau local qu’international. C’est-à-dire ? Pour expliquer et illustrer cela, je vous propose un cas d’étude.
La communication stratégique, c’est en quelque sorte, l’art d’anticiper et de gérer les conséquences. C’est-à-dire qu’elle nécessite constamment de la réflexion en amont et une démarche proactive et prospective.
Le cas d’étude
Vous êtes responsable de la communication d’une organisation internationale en RD Congo. Une journaliste d’un média de renom local vous appelle pour mieux comprendre l’information qu’elle a reçue du soutien de votre organisation à une rébellion dans le Sud du pays. Dans la conversation, vous vous rendez compte que cette information est largement partagée sur les réseaux sociaux, que la colère monte, dans les rues de Kinshasa, contre votre organisation et que ces allégations reposeraient sur des sources gouvernementales.
La journaliste vous informe par ailleurs qu’elle doit réaliser son sujet (pour la Radio et la TV) dans 4h et qu’il est tout à fait disposer à donner la parole à votre organisation sur cette affaire. Qu’allez-vous faire ? C’est exactement une de ces situations où le choix ou la stratégie de communication va influer sur l’image, la réputation et le devenir de votre organisation dans le pays.
Pour vous aider à répondre à ce cas, je m’appuierai sur certains principes et certains éléments du plan d’action (en cas de crise) que mon expérience et mes compétences m’ont permis d’acquérir et de développer.
Les principes de communication
– Deux principes qui guident ma réponse :
- Tout est communication. Que nous décidions de prendre la parole ou que nous décidions de ne rien dire et de ne pas réagir dans les médias, nous communiquons, dans les deux cas. Il est donc important de prendre la parole pour dire notre part de vérité, exposer les faits tels que nous les saisissons et éviter que le fait de ne pas prendre la parole se retourne contre nous.
- Ne pas commenter ce qui relève de l’actualité politique nationale. Il est important de rappeler que l’organisation intervient en appui des efforts du gouvernement congolais et pour le bénéfice final des populations de la République Démocratique du Congo. Notre prise de parole et nos messages ont pour mission d’expliquer, illustrer et valoriser cela. Il ne sera pas question d’évoquer les « sources gouvernementales », ni de commenter le commentaire exprimée sur l’organisation («soutien à une rébellion dans le Sud du pays »)
Le plan d’action
– Au niveau du plan d’action, ma réponse s’organise en 3 temps :
- Endiguer la situation de crise. Il est important de répondre à la journaliste et d’inclure les commentaires de l’organisation pour limiter les dégâts au niveau de l’image et la marque de l’institution. Il est essentiel d’être réactif, transparent et déterminé, en m’appuyant sur les éléments factuels, uniquement, dont nous disposons. Dans cette perspective, la préparation et la formulation de ces commentaires sera le fruit d’un consensus avec le senior leadership et la direction de l’organisation.
- Résoudre la crise. Une fois la réponse donnée à la journaliste, il est important de suivre cette affaire, quitte à mettre en place une veille média, pour repérer des nouvelles informations et surtout découvrir la vérité. Il s’agit dans ce deuxième temps, d’identifier le véritable problème.
- Tirer les leçons de cette crise. Il s’agira dans cette étape ultime de dresser le bilan de cette situation de crise, afin d’en dégager des enseignements, notamment pour une meilleure protection de l’image de l’organisation, pour une meilleure collaboration avec les médias, pour une meilleure perception, par les Congolais, des rôles, missions et ambitions de l’organisation.
L’art de gérer et anticiper les conséquences
La communication stratégique, c’est en quelque sorte, l’art d’anticiper et de gérer les conséquences. C’est-à-dire qu’elle nécessite constamment de la réflexion en amont et une démarche proactive et prospective. C’est ainsi que quand une situation comme cela que nous venons d’étudier survient, nous sommes plus ou moins prêts à prendre, vite, une décision qui va engager l’image et la réputation de l’organisation, sur la base des faits et des principes.
La capacité à réagir rapidement avec une communication adaptée permet de contrôler la narration, de prévenir la désinformation et d’assurer aux partenaires, au staff et au grand public que l’organisation reste engagée et opérationnelle.
Pour cela, il est effectivement essentiel de répondre rapidement, de manière concertée, sur le terrain des faits, afin de désamorcer la crise, gagner la confiance des collaborateurs et sauvegarder l’image de l’organisation. Cela aidera à éviter des injonctions à quitter le pays sous 48 ou 72 heures.
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*Initialement publié en anglais sur le site de Aether Strategies.