*Article initialement publié par le think-tank CERECK
La présidence congolaise a indiqué à France 24[1], le 12 mars 2025, que des discussions étaient engagées avec les États-Unis concernant l’accès aux ressources stratégiques de la RDC. Le pays dispose d’importantes réserves de cobalt, coltan, cuivre et lithium, essentielles pour les technologies de défense et la transition énergétique. Si ces échanges s’inscrivent dans un contexte de tensions géopolitiques au niveau mondial et d’intensification de la guerre d’agression et de prédation au Congo, ils omettent un acteur clé, la Chine, qui domine le secteur minier congolais, notamment pour ce qui est du cuivre. Alors que la RDC confirme son statut de deuxième producteur mondial de cuivre pour 2024, nous allons nous attacher à analyser les relations sino-congolaises dans ce secteur avant d’esquisser des recommandations pour une interdépendance stratégique mutuellement bénéfique.
Une interdépendance mutuellement contraignante
La République Démocratique du Congo (RDC) et la Chine entretiennent effectivement une relation d’interdépendance particulièrement prononcée dans le secteur du cuivre. D’une part, les sociétés à capitaux chinois dominent la filière cuivre en RDC, contrôlant près de 80% d’une production majoritairement destinée au marché chinois[2]. D’autre part, cette industrie représente environ 20% du PIB congolais, soulignant l’importance capitale de ce secteur pour l’économie nationale.
La RDC a confirmé en 2024 sa position de deuxième producteur mondial de cuivre avec 3,1 millions de tonnes, derrière le Chili (5+ millions de tonnes)[3]. Cette position stratégique fait de la RDC un fournisseur incontournable pour la Chine, qui cherche à sécuriser son approvisionnement face aux turbulences géopolitiques.
Un contexte de demande croissante et de tensions internationales
Le prix du cuivre a récemment franchi le seuil symbolique des 10 000 USD, porté notamment par la spéculation liée aux possibles taxes américaines. Cette hausse s’inscrit dans un contexte où la demande mondiale devrait augmenter de 40% d’ici 2040 selon l’Agence Internationale de l’Énergie, principalement en raison des besoins croissants pour la transition énergétique et le développement de l’intelligence artificielle.
La situation est d’autant plus critique pour la Chine que l’administration Trump envisage des mesures protectionnistes sur le cuivre. L’année dernière, la Chine a importé environ 440 000 tonnes de déchets de cuivre des États-Unis, soit un cinquième de ses importations totales de ferraille[4]. Face à cette menace, la dépendance croissante à l’égard de l’offre congolaise apparaît comme une solution stratégique pour compenser une potentielle perte d’approvisionnement américain.
Recommandations pour une coopération mutuellement bénéfique
Pour la Chine:
-Investir dans la modernisation des infrastructures minières congolaises pour améliorer l’efficacité de l’extraction et réduire l’empreinte environnementale, garantissant ainsi un approvisionnement durable.
C’est d’ailleurs ce qui est prévu dans le cadre de ce qui est appelé le « contrat chinois » signé en 2008 entre la RD Congo, à travers la Gécamines et la Chine, à travers un consortium d’entreprises publiques chinoises.
-Diversifier les investissements au-delà de l’extraction pure vers la transformation locale et les industries connexes, créant ainsi un écosystème industriel plus résilient.
C’est par exemple ce que la Chine a entrepris en Zambie depuis le début des années 2000. Dans le cadre du projet de Fonderie de cuivre de Chambishi en Zambie initié en 2006, la Chine, via China Nonferrous Metal Mining Group (CNMC), a investi dans la construction d’usines de traitement du cuivre ainsi que dans la formation des techniciens locaux à la gestion des installations complexes. Cela a conduit à l’augmentation de la production nationale de cuivre raffiné, au renforcement des compétences locales dans les processus de fonderie et de raffinage ainsi qu’à la création d’emplois qualifiés et semi-qualifiés dans la région de Copperbelt.
Pour la RDC:
-Négocier des accords qui favorisent la transformation locale du cuivre avant exportation, augmentant ainsi la valeur ajoutée retenue dans le pays.
Les transferts de technologies et la formation par les États-Unis ont joué un rôle majeur dans le développement de l’industrie chinoise durant les années 1990. Ces échanges ont contribué à la modernisation rapide de l’économie chinoise et à sa transformation en un acteur industriel de premier plan aujourd’hui.
-Diversifier ses partenaires commerciaux et investisseurs tout en maintenant des relations privilégiées avec la Chine, afin de réduire sa vulnérabilité face aux fluctuations du marché et aux pressions géopolitiques. Dans cette perspective, le 22e forum de l’African Growth and Opportunities Act (Loi sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique) qui se tiendra en juillet 2025 à Kinshasa, pourrait être une opportunité pour la RDC.
Dans un contexte où les États-Unis cherchent à relocaliser leurs stocks de matières premières stratégiques, cette interdépendance sino-congolaise autour du cuivre représente à la fois un défi et une opportunité. Une approche collaborative et équilibrée permettrait aux deux nations de transformer cette relation de dépendance mutuelle en un partenariat stratégique durable, bénéfique pour leurs économies respectives.
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[1] « Trump au secours de la RD Congo ? Ce que l’on sait de l’accord minier évoqué entre les deux pays », France 24, 12 mars 2025 https://www.france24.com/fr/afrique/20250312-trump-au-secours-rd-congo-que-sait-on-accord-minier-%C3%A9voqu%C3%A9-entre-les-deux-pays-m23-rwanda
[2] La RDC 2ème producteur mondial de cuivre métal en 2024, Makanisi.org, 31 mars 2025, https://www.makanisi.org/la-rdc-2eme-producteur-mondial-de-cuivre-metal-en-2024/
[3] Ibidem: https://www.makanisi.org/la-rdc-2eme-producteur-mondial-de-cuivre-metal-en-2024
[4] « Les utilisateurs chinois se tournent vers le cuivre congolais… », 12 mars 2025, Zone Bourse, https://www.zonebourse.com/cours/indice/S-P-GSCI-COPPER-INDEX-2-46869179/actualite/Les-utilisateurs-chinois-se-tournent-vers-le-cuivre-congolais-hors-echange-pour-reduire-les-tensio-49306393/