Formulaires, intelligence artificielle, algorithmes, indicateurs de performance, etc. : La décision nous appartient-elle encore ?
Combien de fois un formulaire en ligne ou une procédure administrative vous a-t-il forcé dans une case qui ne reflétait qu’une infime partie de votre réalité ? Le formulaire nous force à simplifier, quitte à travestir nos réalités et expériences par commodité pour le système qui régit le formulaire. Cette simplification commode a, d’une certaine manière, pour conséquence un appauvrissement pour l’expérience humaine, et n’est pas anodine. En effet, elle illustre la perte silencieuse de notre pouvoir de décider.
Nous ne rejetons ni la technologie, ni l’intelligence artificielle, nous lui refusons simplement le trône.
De la gouvernance algorithmique aux indicateurs de performance standardisés, nous confions progressivement notre jugement à des formulaires, à des machines, qu’elles soient bureaucratiques ou numériques. Nous sommes de plus en plus contraints d’accepter de traduire nos réalités complexes en données simplifiées, sans toujours nous interroger sur la pertinence ou les conséquences de cette traduction.
Nous devons, du mieux que nous puissions, refuser de sacrifier l’idéal sur l’autel de l’information.
C’est à cela que nous invite le psychanalyste Roland Gori, en ces termes : « Nous devons retrouver le courage de penser et ne plus accepter de transférer aux machines bureaucratiques et numériques le pouvoir de décider à notre place. Nous devons retrouver le goût et l’espoir d’atteindre le réel par l’idéal, et faire reconnaître à autrui notre expérience sans accepter de nous laisser déposséder par des machines immatérielles mais férocement oppressives. Cela ne veut pas dire que nous n’avons plus à traduire en informations, en langage de machine, certains événements lorsque c’est nécessaire, mais que nous posons comme exigence politique minimale, d’avoir préalablement à discuter de la nécessité de cette traduction, de dire ses effets et ses limites. »
En d’autres termes, nous ne rejetons ni la technologie, ni l’intelligence artificielle, nous lui refusons simplement le trône.