AQLC – Extraits : Sur l’origine du mal congolais

Lors du congrès des écrivains et artistes africains, en 1956, Aimé Césaire rappelait que « la voie la plus courte vers l’avenir est toujours celle qui passe par l’approfondissement du passé » . Afin de mieux comprendre la crise multidimensionnelle que connaît le Congo-Kinshasa aujourd’hui et dans l’ambition d’y façonner des pistes de solution, revenons à la source : D’où vient le mal congolais?

Oui, il faut aller le plus loin possible dans le passé. Quand vous lisez un livre comme L’Occident terroriste . D’Hiroshima à la guerre des drones publié cette année-ci par André Vltchek et Noam Chomsky, ces derniers remontent jusqu’à la deuxième guerre mondiale.. Pour montrer comment, à partir de  ses guerres, l’Occident s’organise pour pouvoir détruire les autres peuples et  occuper leurs terres tout en  cherchant à pouvoir imposer son hégémonie culturelle.

Comme nous l’avions déjà dit, quand vous contrôlez la tête et le cœur des gens, le reste va suivre. Pourquoi je tiens à ce livre ? Parce que Noam Chomsky et André Vltchek mènent ce travail d’approfondissement du passé afin de voir, d’une part, comment l’expansion occidentale a procédé à l’extermination des peuples pour pouvoir occuper leurs territoires, comme ils l’ont fait avec les Indiens. Et d’autre part, comment, petit à petit, cet Occident s’est servi des autres peuples pour pouvoir créer sa richesse.

A la base du mal congolais, il y a donc un vol. Ce vol n’est pas seulement matériel, il est aussi culturel. Parce que, du point de vue éducationnel, nous n’avons pas eu, pendant très longtemps, suffisamment de congolais formés à pouvoir se rendre à l’évidence de ce vol et à prendre leur destin culturel en main.

A propos de l’accumulation des richesses, Michel Collon dans son livre intitulé Bush, le cyclone pose la question suivante : « « Pourquoi le sud est-il si pauvre et le nord si riche ? » Il répond :

« Nous arrivons ici au grand tabou des médias des pays riches. Tout doit être fait pour cacher d’où vient leur richesse. » Pourquoi ? Parce que comme le disait le grand écrivain français Balzac : « Derrière chaque fortune se cache un crime ». Si l’Europe et l’Espagne ont commencé à devenir riche, au XVIIe siècle, c’est parce qu’ils ont volé l’or  et l’argent de l’Amérique latine, en massacrant les indiens, sans rien payer. Si la France, l’Angleterre et les États-Unis sont devenus aussi riches, c’est grâce à l’esclavage. C’est en volant des êtres humains à l’Afrique, sans rien payer. Si les mêmes et la Belgique et la Hollande sont devenus si riches, à partir du XIXe siècle, c’est en volant les matières premières de l’Afrique et de l’Asie sans rien payer »[1].

Vous voyez, là nous sommes déjà en plein dans le mode opératoire de l’Occident, et c’est un occidental qui écrit. Et il continue :

«Depuis cinq siècles les grandes sociétés occidentales ont pillé les ressources du tiers-monde sans les payer. On pourrait faire un tableau de chaque pays et montrer l’origine honteuse de chacune de ses grandes fortunes. On pourrait faire l’histoire de chaque pays pauvre et montrer qui a pillé et comment. Bref, nous, ou plutôt certains d’entre nous, sommes des voleurs et c’est pour ça que nous sommes riches. Voilà ce que nous ne pouvons absolument pas dire dans les médias. Balzac avait raison. »[2]

Vous voyez Michel Collon, quant à lui, remonte cinq siècles avant le début du XXIe siècle pour montrer comment l’Occident a réussi à pouvoir s’enrichir. Mais, il y a un mais. Nous ne devons pas simplement remonter loin dans l’histoire pour n’accuser que l’Occident. Il y a eu des complicités internes. N’eussent été certaines complicités internes en Afrique, avec ce que l’on appelle les élites compradores, n‘eussent été certaines complicités internes, l’achat des esclaves et le dépouillement du Sud de ses richesses n’auraient pas été aussi faciles qu’ils ne l’ont été. Il y a, manifestement, une articulation à faire entre l’expansion occidentale et la corruption des élites du Sud. Pour saisir cela, il  faut remonter le plus loin possible dans le passé.

A la base du mal congolais, il y a donc un vol. Ce vol n’est pas seulement matériel, il est aussi culturel. Parce que, du point de vue éducationnel, nous n’avons pas eu, pendant très longtemps,  suffisamment de  congolais formés à pouvoir se rendre à l’évidence de ce vol et à prendre leur destin culturel en main. L’appauvrissement matériel, accompagné de l’appauvrissement culturel généré par l’hégémonie culturelle occidentale qui a appris aux Africains à pouvoir dire que leurs ancêtres étaient des Gaulois, a contribué au décervelage de plusieurs d’entre nous, et à la rupture du pont qui existait entre les Africains et les Congolais d’une part, et leur culture, d’autre part.

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 Jean-Pierre Mbelu (entretiens avec Esimba Ifonge), A quand le Congo ? (Réflexions & propositions pour une renaissance panafricaine), Congo Lobi Lelo, 2016. Achetez le livre.

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[1] Michel Collon, Bush le cyclone, Bruxelles, Oser dire, 2005, pages 15-16.

[2] Michel Collon, Bush le cyclone, Bruxelles, Oser dire, 2005, page 16.

 

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