L’étrange guerre – Episode 5 : La production d’un Etat raté

Dans cette conversation avec Jean-Pierre Mbelu, la question de la violence en République Démocratique du Congo (RDC) est abordée sous un angle rarement exploré avec autant de lucidité : celui d’un modèle économique internationalisé, où la mort et l’instabilité deviennent des leviers stratégiques au service d’intérêts supérieurs.

Le philosophe et analyste politique, Jean-Pierre Mbelu expose la thèse suivante : pour certaines puissances, au premier rang desquelles les États-Unis, la guerre n’est pas un accident de parcours ni une fatalité africaine, mais un instrument mûrement réfléchi de politique étrangère. La violence, loin d’être un chaos subi, est érigée en méthode de gestion des territoires riches en ressources, transformant le meurtre de masse en variable d’ajustement d’un business plan global.

Au cœur de cette stratégie, la « production d’un État raté » : affaiblir les institutions, déliter l’autorité centrale, afin de rendre possible l’exploitation sans entrave des richesses du sol et du sous-sol. Un État défaillant n’est plus un acteur, mais un simple décor, une zone grise où les multinationales et les puissances étrangères peuvent opérer en toute impunité. Le chaos n’est plus un accident, il devient une ressource à part entière.

L’analyse de Mbelu suggère que la persistance des conflits armés en RDC n’est pas le fruit du hasard, mais la conséquence d’une rationalité froide : maintenir l’instabilité, c’est garantir un accès privilégié et à bas coût aux minerais stratégiques. Les acteurs internationaux, sous couvert de diplomatie ou d’aide au développement, orchestrent en réalité une partition où l’insécurité est la clef de voûte d’un système d’extraction mondialisé.

L’entretien met en lumière la part de responsabilité des grandes puissances, États-Unis en tête, dans la perpétuation de ce modèle. En soutenant certains groupes ou régimes, elles s’assurent que l’ordre ne revienne jamais tout à fait, que l’État congolais demeure trop faible pour défendre ses propres intérêts. Le business de la mort devient alors un pilier de la sécurité nationale américaine, selon la logique exposée par Mbelu.

À travers cette analyse, la violence congolaise apparaît non plus comme une fatalité, mais comme le produit d’une ingénierie politique et économique sophistiquée. La guerre, loin d’être une anomalie, s’inscrit dans une stratégie globale où l’instabilité est entretenue pour servir des intérêts qui dépassent largement les frontières du Congo.

C’est là, sans doute, la leçon la plus dérangeante de cette réflexion : dans le grand jeu des nations, le désordre peut être la plus rentable des ressources.

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