Dans cet entretien accordé à l’institut de recherche et d’enseignement sur la paix, Thinking Africa, Jean-Pierre Mbelu expose le contenu du livre A quand le Congo ? (Congo Lobi Lelo, 2016), aborde à travers son parcours, les relations entre Religion, démocratie et cohésion sociale en Afrique analyse les conditions de la renaissance africaine et explique pourquoi nous devons, pour y parvenir, gagner la bataille des idées.
Quelques verbatims extraits de l’entretien.Sur la cohésion sociale
En politique comme en religion, les gens vivent des convictions profondes qui les poussent à l’action, à agir en fonction des idéaux qu’ils servent. Pour pouvoir créer une cohésion sociale dans une société, il est souhaitable que les citoyens et les citoyennes puissent partager un ensemble de convictions et des idéaux qu’ils servent. Cet idéal peut être appelé : Dieu amour, la patrie, la nation, la fraternité, etc. Du moment que cet idéal est porté par des hommes et des femmes qui le partagent, il les mobilise…. Pour créer la cohésion sociale, la démocratie «palabrique » était indispensable. Prendre la parole, participer aux décisions prises et à la délibération, étaient non seulement un droit mais aussi un devoir citoyen.
Sur le livre A quand le Congo ?
A quand le Congo ? est une boîte à idées. Nous avons essayé d’y mettre le plus de documentations possible pour que le lecteur ait la chance 1.de pouvoir approfondir certaines questions abordées dans ce livre 2. de pouvoir resté attaché à l’histoire et à la recherche. C’est un livre qui pose une question, A quand le Congo ? Et qui porte une conviction : C’est quand les congolais auront compris ce qui leur est arrivé, quand ils auront compris que ce sont eux qui doivent devenir les acteurs pléniers de leur propre histoire, quand ils auront compris, qu’avec leurs masses populaires, ils doivent devenir les démiurges de leurs propres destinées que le Congo pourra renaître de ses cendres… Lire A quand le Congo ? permet d’avoir une vue beaucoup plus large sur ce qui est arrivé à ce pays, dans l’histoire immédiate et de devenir sensible à certaines questions qui permettent aux congolais de pouvoir s’habituer à devenir des acteurs pléniers de leur propre histoire.
Sur la refondation de l’Ecole
A quand le Congo ? Prend en compte l’une des questions posées par le livre de Cheikh Hamidou Kane, « L’aventure ambiguë » : Ce que nos enfants vont apprendre à l’école (de l’autre), va-t-il valoir ce qu’ils vont oublier ? Aujourd’hui, nous pouvons faire le bilan. Est-ce qu’en allant à l’école, nous sommes devenus plus humains, plus entreprenants ? C’est en questionnant l’école de cette façon que nous disons non. Il faut la refonder. La refonder sur des valeurs de vie et culturelles africaines et congolaises. En refondant l’école sur ces valeurs, nous devons rompre avec l’hégémonie culturelle occidentale tout en restant ouvert à l’interculturalité. Comme nous le disons dans A quand le Congo ? Et dans certains de nos articles, le Congo n’étant pas une île, nous ne pouvons devenir des îles. Mais l’homme, c’est aussi sa culture. Avoir, dans nos écoles, des fondements culturels pourrait nous aider à nous réapproprier cette identité qui nous a été volée, bafouée à travers l’histoire.
Sans une éducation et une formation, ayant des bases culturelles propres, on fabrique des zombies.
Sans une éducation et une formation, ayant des bases culturelles propres, on fabrique des zombies.
Sur le rôle de l’intellectuel
L’intellectuel doit pouvoir dialoguer avec ceux qui l’ont devancé sur cette voie là. Les intellectuels congolais et africains doivent pouvoir devenir des intellectuels organiques et structurants. Organiques dans la mesure où ils doivent pouvoir être au cœur des masses populaires comme le levain dans la pâte. Structurants parce qu’ils doivent créer un autre imaginaire, et inventer des mots, des expressions, mais aussi renouer avec nos cultures dans leurs diversités pour refaçonner l’imaginaire congolais et africain.
Sur le panafricanisme des peuples
Le panafricanisme des peuples est une correction de nos aînés. Nos aînés ont conçu le panafricanisme d’en haut. Les Nkrumah, les Lumumba, les Moumié, etc, étaient des jeunes politiciens aspirant à des hautes responsabilités ou ayant déjà assumé des postes à responsabilités qui ont conçu la pensée panafricaine. Nkrumah a d’ailleurs publié un livre titré « L’Afrique doit s’unir ». Le panafricanisme des peuples, par contre, c’est le fait de pouvoir travailler avec les intellectuels organiques et structurant à casser avec cette conception de la pensée d’en haut pour qu’elle puisse émerger d’en bas et que la dynamique soit assumée par les masses populaires et les jeunes à partir de la base. Au lieu qu’il y ait d’un côté les concepteurs, éloignés des masses, enfermés dans des bureaux climatisés, qui conçoivent et qui vont aller enseigner aux masses. Le souhait, chez nous, est que cette conception du panafricanisme soit assumée par les intellectuels organiques et structurants mais débattue avec les masses populaires à la base. Cela va permettre l’apprentissage en commun.