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Sur le Congo, l’ONU édulcore la vérité

Sur le Congo, l’ONU édulcore la vérité

Sur le Congo, l’ONU édulcore la vérité IN

Par Jean-Pierre Mbelu.

Ne pas connaître notre histoire avec l’ONU peut pousser certains d’entre nous à pousser un ouf de soulagement après son dernier rapport dit confidentiel sur l’intervention du Rwanda chez nous. Non. Relisons les  autres rapports l’ayant précédé. L’ONU sait tout. Mais, elle n’est plus au service de la paix et de la justice dans le monde. Elle est instrumentalisée par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et leurs alliés. Elle sert leurs intérêts aux dépens de la  paix et de la justice dans le monde.

Quand la radio BBC dit (le 28 mai 2012) détenir un rapport confidentiel de l’ONU attestant que des Rwandais ont été formés au Rwanda pour se battre à côté des mutins de M23, elle ne fait pas une nouvelle révélation.  D’ailleurs, elle édulcore la vérité : une bonne partie des militaires Rwandais du FPR n’est jamais partie de notre pays depuis la guerre de  prédation de l’AFDL. Et qui forme les Rwandais au Rwanda pour qu’ils  aillent se battre au Congo en renfort aux mutins ?  Où sont formés depuis tout un temps les militaires Rwandais ? Aux USA. Et où plane Africom pendant ce temps ? A l’Est du Congo.

Pour rappel, la guerre que les grandes puissances militaires de prédation mènent contre notre pays avec la complicité de l’ONU ne datent pas d’hier.  Avant qu’il ne soit assassiné le 17 janvier 1961, voici ce que Lumumba écrivait à sa compagne Pauline :
« Ma compagne chérie, Je t’écris ces mots sans savoir s’ils te parviendront, quand ils te parviendront et si je serai en vie lorsque tu les liras. Tout au long de ma lutte pour l’indépendance de mon pays, je n’ai jamais douté un seul instant du triomphe final de la cause sacrée à laquelle mes compagnons et moi avons consacré toute notre vie. Mais ce que nous voulions pour notre pays, son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions, le colonialisme belge et ses alliés occidentaux – qui ont trouvé des soutiens directs et indirects, délibérés et non délibérés, parmi certains hauts fonctionnaires des Nations-Unies, cet organisme en qui nous avons placé toute notre confiance lorsque nous avons fait appel à son assistance – ne l’ont jamais voulu. » (Nous soulignons).

Contrairement aux apparences, les choses n’ont presque pas changé depuis l’assassinat de Lumumba jusqu’à ce jour. Les guerres créées  chez nous sont des guerres néocoloniales. Elles participent de la stratégie du choc et du chaos. Participant de la stratégie du choc (lire à ce sujet Naomi KLEIN, La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, Actes du Sud, 2008 ), elles appauvrissent notre pays et en font une proie facile entre les mains des Institutions Financières Internationales  afin qu’elles lui imposent les programmes d’ajustement structurels – ces mesures d’austérité faisant des vagues actuellement en Occident- l’ouvrant au néolibéralisme prédateur et cynique. Ces guerres participent aussi de la stratégie du chaos permettant aux charognards de tout bord de prétendre venir humanitairement au secours du « cadavre Congo ». Ce faisant, ils le dépiècent davantage : ils violent ses filles, pillent ses matières premières, tuent gratuitement ses filles et fils. Avec la complicité de certaines  de ces filles et de certains de ces fils, esclaves volontaires.

L’instrumentalisation de l’ONU par les grandes puissances militaires de prédation pose depuis toujours la question de la gouvernance mondiale et celle de l’efficacité d’une véritable justice internationale. Sur notre pays, le Congo dit démocratique, les rapports établissant la responsabilité du réseau d’élite pillant nos matières premières stratégiques existent. Plusieurs ont été rédigés par les experts de l’ONU. C’est depuis le rapport Gersony (1994) que le rôle nocif du Rwanda au Congo est souligné sans que des mesures concrètes soient prises pour mettre fin à l’impunité du FPR/APR de Paul Kagame et de ses alliés.

Néanmoins, il n’est pas du tout sûr qu’à la fin de son mandat, « l’homme fort de Kigali » puisse toujours jouir de cette impunité. D’ailleurs, lors de son dernier passage aux USA, à Iowa, le 11 mai 2012, il a été mis au courant de la plainte déposée contre lui (et le Dr Théogène Rudasingwa) par la veuve de l’ex-président Rwandais, Juvénal Habyarimana. (Or, le Dr Rudasingwa est parmi ceux qui soutiennent que c’est lui, Paul Kagame, qui a orchestré l’assassinat de l’ex-prédisent. Donc, « l’homme fort du Rwanda » pourrait avoir maille à partir avec la justice américaine.)  Il est possible que nous ayons là  des signes avant-coureurs de la fin d’un régime mis au service des « maîtres de la mort ». Ceux-ci, dans leur cynisme, finissent toujours par se débarrasser de leurs nègres de service. (Le dernier Maréchal de l’Afrique en sait quelque chose.)
Revenons à l’ONU : elle décrie le Rwanda de Paul Kagame. Curieusement, elle ne s’en prend pas aux « maîtres » et/ou aux  alliés de  ce monsieur. D’une certaine manière, son actuel modus operandi pose sérieusement la question d’une nouvelle gouvernance mondiale.

Avec Stéphane Hessel, nous estimons qu’il est plus que temps de « mettre en place les éléments d’une réelle gouvernance mondiale –dans la coexistence des Etats, qui conservent leurs prérogatives et responsabilités démocratiques, mais qui sont sommés d’apprendre à travailler ensemble d’une façon telle que ces valeurs respectées partout. » (S.HESSEL, Tout comptes faits…ou presque, Paris, Libella, 2012, p.163-164) L’usage  abusif de la force par les Etats forts militairement (et leurs satellites)  au détriment des règles communes rend la réponse rapide à cette question urgente. Hélas ! La crise économico-financière créée par les oligarchies d’argent  risque de remettre aux calendes grecques  la  solution à la question de la gouvernance mondiale.

Que faire en attendant ? Imiter certains pays de l’Amérique Latine  (comme le Venezuela, la Bolivie, l’Equateur, etc.) ayant réussi à mettre en place le socialisme du 21ème siècle sans la permission de l’Oncle Sam. Ces pays ont, par eux-mêmes, à partir de leur héritage historique et du patriotisme de certains de leurs filles et fils,  rendus les rapports de force favorables à leurs peuples. Peut-être qu’imiter seulement ne suffira pas. Il faudra à la fois les imiter et re-inventer notre propre voie. Dans cette démarche, l’ONU ne nous sera pas d’un grand secours. Dans cette démarche, une bonne maîtrise de notre histoire, des stratégies du choc et du chaos nous sera indispensable. Il y va du changement des rapports de force. Souvent, ceux qui les appliquent restent tapis dans l’ombre. Ils mettent sur le devant de la scène « les bana bitinda ».

Mbelu Babanya Kabudi

 

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