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“Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.”

“Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.”

“Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.” IN

Par Jean-Pierre Mbelu

Il arrive que la question de la séparation de l’Etat et de l’Eglise soit facilement fondée sur ces deux formules de Jésus ‘’Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.’’ Souvent, ces deux formules qui sont la conclusion d’un échange entre Jésus, les pharisiens et les hérodiens sur l’impôt dû à César sont sorties de leur contexte historique et de la tradition religieuse qui les a nourries. Au Congo-Kinshasa, pour empêcher aux membres de l’église catholique de participer au débat sur la révision constitutionnelle, ces deux formules ont été évoquées. Nous tentons, dans les lignes qui suivent, pour les chrétiens ou les curieux qui s’y intéressent, une interprétation de ce que Jésus nous a communiqué comme double message en les prononçant. Le 29ème dimanche du Temps Ordinaire nous offre l’occasion d’y revenir.

A travers ces deux formules que nous avons prises comme intitulé de notre méditation, Jésus déjoue un piège qui lui est tendu par les pharisiens et les hérodiens quand il leur donne son avis sur le payement de l’impôt. Différents dans leur approche du pouvoir politique, ils s’unissent contre Jésus en faisant semblant de reconnaître qu’il est une personnalité impartiale enseignant le vrai chemin de Dieu.

Jésus, en bon juif, s’inscrit dans une tradition où tout pouvoir vient de Dieu. L’extrait du Second Isaïe (45, 1.4-6a) lu comme première lecture en témoigne.

Pour ce prophète, Cyrus, roi des Perses est consacré (oint) par un Dieu en dehors de qui il n’y a rien d’autre. De ce Dieu ‘’en dehors de qui, il n’y a pas de Dieu’’, Cyrus reçoit la mission de libérer son peuple du joug babylonien, de faciliter le retour des exilés sur leur terre et de restaurer Jérusalem. En bon messie (oint), il apporte au peuple de Dieu ‘’le salut’’ selon l’Esprit de Dieu dont il est pénétré à sa consécration. « Aussi le motif fondamental de la consécration et de la mission de Cyrus, c’est la reconnaissance du Seigneur comme seul vrai Dieu, motif aussi de l’élection d’Israël. Aucune divinité n’existe à côté du Dieu unique et toutes choses trouvent en lui son origine. » Il est bon d’avoir ce contexte en tête pour mieux comprendre la réponse finale que Jésus donne aux pharisiens et aux hérodiens.

A travers leur question-piège, c’est sa messianité qui est visée. Dans un contexte où payer l’impôt est synonyme de poser un geste de la sujétion au pouvoir occupant, Jésus est placé devant un dilemme. S’il répond à cette question positivement, il prend le parti des pharisiens, des hérodiens et (même plus tard) des zélotes qui payent cet impôt malgré eux ou ne payent pas du tout pour marquer leur opposition au pouvoir de l’empire romain. S’il répond positivement, il prend le parti des hérodiens et des sadducéens, soumis volontiers au pouvoir occupant. « Le lien entre la monnaie et le pouvoir posait problème (…) au peuple juif. Payer l’impôt n’était-ce pas reconnaître la souveraineté de l’empereur qui en fait n’appartient qu’à Dieu ? Dieu est roi en Israël. » Les premières communautés chrétiennes ont dû faire face au même problème.

Par sa réponse, Jésus ne met pas en parallèle César et Dieu. Il affirme la priorité et primauté de Dieu sur César. S’il reconnaît que l’impôt peut être payé à César, « il dédivinise et désacralise le politique » et s’inscrit en faux contre toute tendance à idolâtrer ‘’César’’.

Avant de répondre à la question-piège, Jésus demande à ses interlocuteurs de lui monter la monnaie. Celle-ci porte le sceau de César. Il leur demande alors de ‘’rendre à César ce qui est à César’’ et qui lui revient selon les conventions sociales. Mais, Jésus ne s’arrête pas là. Il ajoute : ‘’ et à Dieu ce qui est à Dieu’’ ? En bon juif, il est convaincu que l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu porte ‘’le sceau’’ de son créateur. Il y a donc dans la réponse de Jésus, un double message :
1. Celui de l’obéissance aux règles et autres lois justes de la cité et de l’Etat ; c’est-à-dire celles qui permettent à l’humain (masculin et féminin) de promouvoir sa dignité d’être ‘’le sceau de Dieu’’. Ce faisant, il n’obéit pas à une idole politique ; mais à des frères et sœurs avec lesquels il est appelé à édifier cette cité et cet Etat ;
2. Celui du respect de la dignité humaine ou de la commune humanité. (Là où la dignité humaine et la justice sociale sont bafouées, au nom d’une idole politique, une parole prophétique (libératrice) est nécessaire.

En bon messie de Dieu, Jésus apporte un message libérateur tant pour ‘’César’’ ainsi que pour les hommes et les femmes dont il a la (co)responsabilité. Il souligne la dépendance de tout être humain-fut-il César- à l’endroit de son créateur et l’importance d’une fraternité universelle fondée sur des lois justes, respectueuses de la dignité humaine.

Au sujet des ‘’Césars’’, certaines questions méritent d’être posées : que pensent-ils d’eux-mêmes ? Sont-ils des ‘’dieux’’ à idolâtrer ou des humains pris parmi d’autres humains pour être au service d’un avenir collectif heureux et solidaire pour leurs peuples ? De qui pensent-ils être les créatures ? D’un Dieu-amour-service-fraternel ou des oligarques d’argent cupides et méchants orchestrant la guerre de tous contre tous ? Qu’ils nous disent en quel Dieu ils croient, nous leur diront quels ‘’Césars’’ ils sont.

Mbelu Babanya Kabudi

INGETA.

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