• IDEES & RESSOURCES POUR REINVENTER LE CONGO

Expulsion des congolais à Brazza, “amnistie” du M23 & pauvreté généralisée en RDC : Relisons et refaisons notre histoire autrement

Expulsion des congolais à Brazza, “amnistie” du M23 & pauvreté généralisée en RDC : Relisons et refaisons notre histoire autrement

Expulsion des congolais à Brazza, “amnistie” du M23 & pauvreté généralisée en RDC : Relisons et refaisons notre histoire autrement IN

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu revient sur les origines et la mission du PPRD (« un parti qui s’inscrit dans une logique de combat contre le peuple »), décrypte les raisons et les enjeux du recul démocratique et du verrouillage de l’espace public en RDC, souligne pourquoi les congolais sont maltraités partout à travers le monde, et nous somme de faire une relecture de notre histoire.

Sur le PPRD, ses origines, sa réunion de Mbandaka Joseph Kabila

Il y a quelque chose de grave qui est en train de se passer dans le chef de certains compatriotes. Ce sont les membres du PPRD qui font de Joseph Kabila leur autorité morale. La démarche contraire n’a jamais été entreprise. Le PPRD est une machine qui essaie de se servir de ce qu’il pense être l’aura de son raïs pour pouvoir organiser les élections.
Ce qu’il y a eu à Mbandaka, vient après ce qu’il y a eu à Kingakati. Les congolais qui ont été aux concertations nationales devraient comprendre qu’ils ont été les dindons de la farce. Le PPRD s’efforce de tout faire pour que son autorité morale puisse conserver le pouvoir. Mais le PPRD n’a pas de pouvoir au Congo. Ce cinéma à Mbandaka ne sert qu’à bluffer les plus naïfs d’entre nous. Le Congo est un pays sous occupation, un pays sous la tutelle de l’ONU. Les membres du status quo que l’on pourrait retrouver dans le PPRD ou les autres partis politiques congolais ne sont là que pour accompagner cette occupation du Congo et sa mise sous tutelle.
En quelque sorte, les membres du PPRD font leur travail. Ils ont décidé de maintenir le Congo dans son état d’occupation et de mise sous tutelle. Mais que font les autres partis politiques congolais et les associations de la société civile pendant ce temps?
La plupart des partis politiques congolais n’ont pas d’idéologie, partagée avec les masses populaires. Le PPRD, à sa création, a été supporté par les entreprises multinationales par exemple. Ce parti politique, dès le départ, n’a pas travaillé avec nos masses populaires mais avec les multinationales étrangères. Voilà pourquoi il a participé à la prédation du pays, par l’intermédiaire de plusieurs de ses membres.
Comme l’enjeu, au moment où ce parti avait été créé, était d’ouvrir le Congo au néolibéralisme, il avait intérêt à travailler avec les multinationales dont certaines ont été citées par le rapport Kassem de 2002 comme ayant participé au pillage des ressources de la RDC. Un parti fondé pour ouvrir le pays au néolibéralisme est un parti qui s’inscrit dans une logique de combat contre le peuple. Avec cette réunion de Mbandaka, le PPRD trahit la fragilité de sa fondation.

Sur la plateforme de «l’opposition républicaine» congolaise dirigée par Kengo

Ce n’est même pas une opposition. Il y a un usage abusif des mots au Congo. Comment voulez-vous que Kengo, qui travaille main dans la main avec le pouvoir fantôche de Kinshasa puisse tout à coup créer un mouvement de l’opposition républicaine. Il n’y a pas de démocratie au Congo, il n’y a pas d’opposition républicaine. Ce sont des inversions sémantiques.
Pourquoi il y a, au Congo, ce recours permanent à l’inversion sémantique ? Tout simplement pour cacher la réalité de ce qui se passe dans le pays.
Il y a une alliance qui est visible entre les anciens dinosaures du Mobutisme et les nouveaux prédateurs de la Kabilie pour mettre le Congo en coupe réglée. Et autour des ces dinosaures et prédateurs, il y a quelques opportunistes qui essaient de les rejoindre en recourant à l’inversion sémantique, en s’appelant opposition républicaine, révolution de la modernité. Le peuple congolais est roulé dans la farine par une petite élite compradore qui court derrière les sous et est sans aucune moralité ni aucune éthique, et se sert du peuple comme marche-pied pour avoir accès à la mangeoire.

Sur la dispersion du meeting de l’UDPS le 17 avril 2014 à Kamina

La grande pauvreté dans laquelle le Congo est en train de s’enfoncer aujourd’hui, c’est le manque d’accès aux droits fondamentaux et libertés fondamentales. Le Congo a beau dire qu’il est démocratique, il n’en est rien.
Avoir accès aux droits fondamentaux et libertés fondamentales est la meilleure des richesses dont peut disposer un peuple.
Mais dans un pays où le monolithisme est imposé pour accompagner l’occupation et la mise sous tutelle du Congo, cette richesse là n’existe pas. Parce que si l’espace politique est ouvert au pluralisme politique, cela conduirait, qu’on le veuille ou pas, à l’alternative politique. C’est donc le refus de l’alternative politique qui conduit à la fermeture de l’espace public au pluralisme politique. La lutte se situe à ce niveau là. Le pluralisme politique se gagne par la lutte.

Sur le recul démocratique au Congo

Au début des années 1990, il y avait des avancements engrangés de l’intérieur et des luttes suffisamment avancées malgré les difficultés que connaissait le pays à ce moment là. C’est ainsi que les maîtres du monde, sachant que le Congo a 9 pays voisins, et que si le Congo se mettait en ordre utile pour mener jusqu’au bout sa lutte de libéralisation de l’espace public et d’ouverture au pluralisme politique, cela allait entraîner au moins ses 9 voisins. Il fallait casser cette marche vers la démocratie pour pouvoir retourner 30 ans en arrière. Et la guerre de 1996-1997 est donc venue casser cet élan intérieur.
Ceux qui estiment être les maîtres du monde peuvent travailler sur une même question pendant 50 ans et plus. Ils ne pouvaient pas facilement permettre, bien sûr avec notre propre complicité, parce que recourir à l’histoire n’est pas surtout le fort de plusieurs d’entre nous. Nous avons, de notre côté, tendance à naviguer à vue et à travailler au jour le jour.
Petit à petit l’ouverture initiée le 24 avril 1990 est en train d’être verrouillée. Pourquoi ? Parce que la liberté fait peur. Ouvrir l’espace politique à la formation, à l’information, à la connaissance fait peur à ceux qui se servent de la lobotomisation, de la désinformation pour pouvoir faire main basse sur les cœurs et les esprits, mais surtout sur les richesses du sol et du sous-sol congolais. C’est une guerre permanente et la guerre la plus difficile à gagner est la guerre des idées. Cette guerre là est plus atroce que celle avec laquelle on a recours aux armes.
L’enjeu majeur d’une guerre des idées est de faire des masses populaires, des masses critiques afin qu’elles deviennent elles-mêmes capables de renverser les rapports de force.

Sur l’amnistie annoncée des membres du M23

Nous ne sommes pas face à une loi d’amnistie. Nous sommes face à une relecture biaisée de notre histoire. Il y a eu le 20ème anniversaire du génocide rwandais, il y a eu un colloque au sénat français le 1er avril 2014 sur ce sujet, chez nous, on fait comme si tout ce qu’il y a eu autour de cette célébration n’avait pas existé. Or ces événements nous somment de relire immédiatement l’histoire. Ce ne sont pas ces messieurs qui prétendent gouverner à Kinshasa qui doivent établir des lois d’amnistie. Parce que plusieurs parmi eux sont des criminels de guerre, des criminels contre l’humanité. Pourtant ce sont eux qui sont en train d’écrire notre histoire. Nous devons faire une relecture de notre histoire afin de nous permettre de pouvoir mettre, demain ou après-demain, tous ces messieurs en prison, en tout cas hors d’état de nuire. Continuer à lire l’histoire comme eux le veulent, c’est passer à côté de la plaque.

Sur l’expulsion à Brazzaville des congolais

Nous serons expulsés de partout dans le monde tant que nous n’aurons pas un pays qui se respecte. Dans votre pays, on ne vous respecte pas, vous n’avez pas un pays qui se respecte. Comment voulez-vous aller vivre chez les gens et être respectés ?
Face à des drames de ce genre, nous devrions nous dire que si nous ne luttons pas sérieusement pour avoir un pays qui soit respecté au cœur de l’Afrique, nous serons traités comme des moins que rien, comme des apatrides, comme des gens qui n’ont pas d’espace propre à eux. Il faut travailler à ce qu’on ait un pays, un Congo qui soit le lieu où ses fils et ses filles peuvent vivre, s’épanouir et partager le bonheur collectif. Sans cela, nous avons beau crier contre les injustices infligées à nos compatriotes à travers le monde, ça n’arrêtera pas parce que personne ne nous respecte.
Jusque dans les années 1980, beaucoup de congolais n’étaient pas l’extérieur de leur pays. Mais il y a eu tous ces programmes d’ajustements structurels, la dictature et les guerres qui ont détruit le Congo, c’est ainsi qu’on retrouve beaucoup trop de congolais à l’extérieur. Vous n’allez pas demander à ces congolais qui veulent aussi vivre et respirer, de rester dans un pays comme le Congo d’aujourd’hui qui les maltraite et les tue comme des mouches.
Tant que nous n’aurons pas un pays dirigé par des patriotes congolais qui ont le souci de protéger nos populations, qui ont le souci de faire participer nos populations à l’édification d’un Congo qui se respecte, personne ne nous respectera à travers le monde.

Sur la pauvreté généralisée au Congo

Il faut lutter pour que les congolais aient accès à leurs droits fondamentaux et à leurs libertés fondamentales. Nous devrions casser avec cette approche de la pauvreté par les revenus, par l’argent. Le congolais, malgré tout ce qu’on dit de lui est créatif, inventif. Le peuple congolais, à force de traverser des périodes des vaches maigres, s’est habitué à devenir créatif. Il sait boire et manger quand il le faut, par ses propres moyens. Mais son ingéniosité est un peu troublée par ses guerres à répétition et ses dictatures successives. Et ce peuple, s’il a accès à ses droits fondamentaux, à ses libertés fondamentales, à ses droits sociaux, politiques et économiques, il n’aura pas besoin que la banque mondiale lui dise comment il doit faire pour manger et boire. Malheureusement, c’est cet espace qui est verrouillé. Et, c’est pour cet espace qu’il faut se battre que pour la reconduction des théories éculées de la croissance. C’est la banque mondiale qui permet que le Congo puisse être ouvert au néolibéralisme et être pillé par les entreprises transnationales et multinationales, c’est la banque mondiale et le FMI qui ont fragilisé le Congo, avec les programmes d’ajustements structurels depuis les années 1980.
Luttons d’abord pour l’ouverture de l’espace politique au pluralisme, luttons d’abord pour que les congolais jouissent de leurs droits sociaux, politiques, culturels et économiques. Luttons d’abord pour que le congolais et la congolaise puissent être respectés dans leurs dignités d’êtres humains. Le reste nous sera donné par surcroît.

 

INGETA.

REINVENTONS

LE CONGO

Informer. Inspirer. Impacter.

Notre travail consiste à :
Développer un laboratoire d’idées sur le passé, présent et futur du Congo-Kinshasa.

Proposer un lieu unique de décryptage, de discussion et de diffusion des réalités et perspectives du Congo-Kinshasa.

Aiguiser l’esprit critique et vulgariser les informations sur les enjeux du Congo, à travers une variété de supports et de contenus (analyses, entretiens, vidéos, verbatims, campagnes, livres, journal).