Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu/DESC
Le but fondamental de la stratégie (politique et militaire) est la défaite (ou la soumission totale) de l’ennemi. Cette proposition, qui n’est en elle-même guère discutée, pose un problème de délimitation. Quand peut-on dire que la victoire est acquise, que l’ennemi est défait ? Quand il se reconnait vaincu. Sans doute mais on ne fait que reporter le problème car les succès militaires intermédiaires ne signifient pas nécessairement une victoire finale. C’est ici que l’expression « perdre une bataille mais pas une guerre » prend parfois tout son sens. C’est ce que nous allons tenter de démontrer, nous rapportant à la théorie stratégique universelle de Clausewitz dans la présente analyse.
La fin d’une bataille militaire importe peu sur son impact politique
En stratégie militaire, il n’y pas de facteur unique et exclusifde la victoire ou de la défaite : un belligérant peut perdre une immense étendue de territoire tout en parvenant à replier ses forces en bon ordre. C’est le cas de la défensive allemande de l’Est de 1943 à 1945 : les forces allemandes ont conservé leur cohésion et leur capacité combattante jusqu’à la bataille finale de Berlin.
Les stratégistes se focalisent moins sur l’éclat des batailles que sur leurs suites et impacts (politiques, diplomatiques, sociaux, économiques…) à long terme. D’autant qu’en stratégie, l’option militaire, quoique déterminante, ne suffit pas à elle seule pour déterminer la réalisation finale des objectifs poursuivis dans une guerre. Celle de prolonger la politique par d’autres moyens en contraignant l’adversaire à la soumission.
L’épreuve de vérité n’est pas une bataille gagnée, aussi brillante soit-elle, mais la mise hors combat durable de l’ennemi, soit par la destruction de ses forces, soit par la maîtrise d’un espace de sécurité politiquement, économiquement et militairement suffisant. Ou encore par les dividendes diplomatiques de la défaite militaire engendrés à la suite d’une bataille militaire.
Et là, nous sommes au cœur de la théorie de la guerre, modélisée par le Général et théoricien prussien Carl von Clausewitz (1780-1831) dans son célèbre livre « Vom Kriege » (De la guerre) hâtivement résumée en ces termes : « La guerre n’est qu’une continuation de la politique avec d’autres moyens ». Cette formule résumant trop vite l’œuvre de Clausewitz, tout en restant néanmoins la clé, veut dire que toutes les guerres historiques, dans la mesure où il y a encore une histoire humaine possible, sont ainsi contenues par la politique, quand bien même l’intensité de certains conflits verrait les moyens militaires y contaminer les fins politiques. (Benoît Chantre, Clausewitz. De la guerre. Livre I, Flammarion, Paris, 2014).
En effet, selon Clausewitz, «la guerre n’est pas seulement un acte politique, mais un véritable instrument politique, une poursuite des relations politiques, une suite qu’on lui donne et une réalisation de celles-ci par d’autres moyens.» De plus, « L’objectif politique, comme mobile initial de la guerre, fournira le but à atteindre par l’action militaire, autant que des efforts nécessaires »
Ainsi pour ce célèbre stratégiste, analyste pragmatique du phénomène « guerre » sous sa forme de « duel », la guerre est et doit demeurer l’instrument (au service de la) politique dans la mesure où elle trouve son origine dans les motivations politiques. La guerre n’étant pas une fin en soi, mais bien un moyen aux mains de la politique, il appartient alors à la politique de fixer les buts de la guerre.
Le but ultime de la guerre est de mettre l’adversaire hors d’état de nuire
Comme nous l’écrivions dans une analyse antérieure (“Ce qu’il faut savoir sur la guerre”), la tactique est strictement militaire et dirigée vers des objectifs militaires immédiats. Elle est dépendante des moyens disponibles, elle se caractérise par le primat de la force. La stratégie, quant à elle, opère en fonction des buts militaires finaux. Elle prépare et permet, en cas de victoire, le règlement final (reddition), mais elle ne conclut pas : La victoire militaire n’est qu’une fin intermédiaire, le stratège doit tenir compte des fins ultimes qui relèvent de la politique. Le vrai stratège voit au-delà des opérations en cours pour raisonner à l’horizon de la campagne ou de la guerre (Manstein c/ Hube , 1944). Le vrai stratège fait la différence entre des succès tactiques et une victoire stratégique (Mannerheim en 1940 à propos de la continuation de la guerre d’Hiver). Le vrai stratège saisit la double dimension, militaire et politique des problèmes auxquels il est confronté (Mannerheim en 1941 à propos de l’attaque de Leningrad). De plus en plus, le vrai stratège saisit les implications de politique intérieure des décisions qu’il prend.
La guerre pour Clausewitz reste un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ; son dessein immédiat est de mettre l’ennemi hors d’état de nuire, c’est-à-dire d’abattre l’adversaire afin de le rendre incapable de toute résistance, voire de toute manœuvre politique ou diplomatique ultérieure.
Pour que l’adversaire soit contraint d’accéder à notre volonté, nous devons pouvoir le placer dans une situation dont le désavantage soit supérieur au sacrifice que nous exigeons de lui. Il va sans dire que le désavantage en question ne doit pas être ou du moins paraître passager ; car dans ce cas, l’adversaire attendrait et ne cèderait pas. Il trouvera toujours un moment propice pour revenir à la charge guerrière.
C’est le piège que le M23 a tendu à la RDC en s’extirpant, sans perdre considérablement ses ressources humaines, en novembre 2013 en se retirant vers le Rwanda, forçant la RDC à signer un document nébuleux de paix là où la logique voudrait qu’en tant que force militaire vaincue qui doit se soumettre à la volonté de la RDC, le M23 devrait bonnement signer l’acte de reddition et se conformer à TOUTES les conditions lui imposées par la RDC. Ce qui n’a pas été le cas car les accords signés entre le gouvernement de Kabila et le M23 ont permis à ce dernier de continuer à exister politiquement. Ce qui annihile de fait l’objectif politique recherché dans toute guerre qui reste indubitablement une continuation de la politique par d’autres moyens.
Pourtant plusieurs sources concordantes signalent la réorganisation du M23
Il n’est dès lors pas étonnant que ce M23, qui n’a pu être mis hors d’état de nuire par les FARDC puisse se reconstituer en Ouganda, au Rwanda et encore Angola comme certains rapports de l’ONU le relèvent. Se basant sur le rapport de mi-parcours du nouveau groupe d’experts des Nations unies, la RFI a fait état le 5 juillet 2014 de la présence sur le sol angolais d’une branche du M23, laquelle se réorganiserait en l’absence d’avancées dans le processus de rapatriement au Congo et que ses cadres circuleraient librement. La même information vient d’être confirmée par la France qui redoute une réorganisation militaire des rebelles du M23. (Radio Okapi, 8/08/2014).
Radio Okapi – 30/8/2014 : « L’ancien mouvement rebelle du M23 serait en train de se reconstituer depuis 3 mois à Rubaya, à environ 60 km au nord-est de Goma (Nord-Kivu). Selon des sources sécuritaires, ces anciens rebelles procéderaient à des recrutements en vue de créer un nouveau mouvement, le M27. La Mission de l’Onu en RDC (Monusco), pour sa part, reconnaît des mouvements suspects dans la région, sans pouvoir les déterminer pour l’instant. Pour le chef du bureau de la Monusco à Goma, Ray Virgilio Torres, d’anciens rebelles du M23 sont en activité dans cette région. Il se dit cependant incapable de confirmer qu’il s’agit d’une réorganisation de ce mouvement rebelle. «Nous avons essayé de voir ce qu’est en réalité ce groupe M27. Ce que nous, nous savons, c’est ce que vous, vous savez, de ce qui s’est passé à Remeka. Et que des ex-M23 s’étaient organisés en groupe et semblaient vouloir se diriger vers le sud de Masisi et peut-être au-delà, à Walikale notamment, pour une raison que nous, nous ne savons pas», a-t-il expliqué. Début août, un groupe de gens, présentés comme d’anciens rebelles du M23, a attaqué le poste de police de Remeka, au sud de Masisi, dans le groupement d’Ufamandu Sept personnes, suspectées d’activités militaires, ont été interpellées à cette occasion et remis aux Forces armées de la RDC (FARDC), puis transférées à Goma. »
Intervenant le 8 août 2014 devant le conseil de sécurité, le représentant permanent de la France à l’Onu avait dit redouter une réorganisation militaire des rebelles du M23, défaits par l’armée congolaise appuyée par les casques bleus de la Monusco fin novembre 2013 au Nord-Kivu. Pour parer à toute éventualité, Alexis Lamek avait appelé la RDC à redoubler d’efforts sur l’opérationnalisation du programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR).
Un communique publié par la coordination de la société civile du Nord-Kivu, le 7 octobre 2014, alerte la population sur une éventuelle réorganisation et infiltration au Nord-Kivu des éléments ex-M23, en perspective de prochaines hostilités à partir des Territoires de Rutshuru et Nyiragongo à Katale et à Buvunga, dans le Groupement de Kisigairi (Chefferie des Bwitsha). Le communiqué indexe un ex-cadre du M23 Jean Félix Shamba, ancien Chef de Poste d’Encadrement Administratif de Rugari et Kisigari avant et pendant l’occupation du M23, qui avait enrôlé de force plusieurs jeunes du Groupement de Kisigari dans la rébellion du M23. A la débâcle de la rébellion, Jean Félix Shamba s’était enfui au Rwanda en passant par l’Ouganda pour retourner en RDC vers juin 2014 par Gisenyi (Rwanda) et se réinstaller chez lui en Territoire de Rutshuru après avoir été interpellé par l’ANR qui l’a forcé de signer les formulaires de demande d’amnistie les services de l’ANR et le relacher par la suite. Depuis environ un mois, les habitants de Rutshuru dénoncent dans le chef de Jean Félix Shamba la sensibilisation et l’enrôlement clandestin des jeunes en faveur d’un mouvement qui ne dit pas encore son nom mais qui, croient-ils, serait la nouvelle formule M23. « Il serait entrain de demander aux jeunes qui l’écoutent de rejoindre un Camp de regroupement à Kitchanga (en Chefferie de Bwito)« , a fait savoir la société civile du Nord-Kivu..
Dans un autre communiqué de la même société civile, on signalait l’assassinat le dimanche 28 septembre 2014 de M. Robert Bonane Rwamakuba Serugari, grand coutumier et Chef du Groupement de Bweza de retour d’une réunion à Ntamugenga (chef-lieu du Groupement) avec la jeunesse de son Groupement. C’est lorsqu’il rentrait chez-lui à Rubare (Groupement voisin de Kisigari, où il avait déjà élu domicile depuis l’avènement du M23), seul à bord de sa moto qu’il sera surpris par des tirs dirigés contre lui, des tirs de la part des inconnus qui lui avaient tendus embuscade à hauteur de Chumirwa, environs 4km-ouest de Ntamugenga. D’aucuns pensent par contre aux signes avant-coureur de l’infiltration des éléments ex-M23, au regard des bruits qui courent dans la zone qu’ils seraient en train de se réorganiser dans les périphéries de Rutshuru et Nyiragongo en perspective d’une prochaine déstabilisation. C’est dans le Groupement de Bweza qu’étaient localisées certaines bases importantes des M23, à l’instar de: Mbuzi, Ntamugenga et une partie de Runyonyi ».
Dans un long entretien téléphonique que DESC a eu avec un ancien sociétaire de l’ex-rebellion UFRC (allié à l’époque au M23), en vadrouille dans la partie orientale de la RDC, en Ouganda et au Sud Soudan, l’intéressé nous a fait savoir parcourir librement une vaste zone de non droit, abandonnée par les troupes congolaises que s’apprêtent à investir les ex-rebelles du M23 relachés par Kampala et entraînés dans les camps militaires ougandais en vue d’une attaque imminente. D’autres sources nous également signalé la présence des ex-commbattants M23 aux côtés de la milice Mai-Mai de Cheka-Nduma défense du Congo (NDC) du Colonel Guidon dans la localité Muhanga, Kasinga, Mutenda. Les Mai-Mai de Cheka-Nduma défense du Congo (NDC) du Colonel Guidon, après avoir volontairement fait reddition auprès des FARDC dans le territoire de Walikale, notamment dans la localité de Pinga, ont déclaré que leur sortie de Bunyatenge n’était qu’une repli stratégique et que la contrée demeure encore à leur portée et qu’ils peuvent y retourner à tout moment.
Paresse de la MONUSCO et manque de volonté politique du Gouvernement congolais de traquer les FDLR et autres milices qui servent tout le monde
C’est ce que nous rapportent plusieurs correspondances de DESC avec des sources locales : “M. Wondo, je pense que les NDC et FDLR restent un mal nécessaires tant pour la soi disant Communauté internationale que pour les autorités du pays, car leur état de belligérance profite à beaucoup d’acteurs/individus, Etats, ou composantes régionales ( Cfr les ressources naturelles et/ou trafic d’armes et autres intérêts stratégiques, qu’importent les affaires aux populations ou autres aspects humanitaires). En plus sache bien que celui (M23, Cheka NDC,..) qui s’attaque aux FDLR, si diabolique soit-il, devient automatiquement sanctifié auprès de la communauté internationale et certains de ses alliés même ici au pays???”
“Allez y comprendre quelque chose! Je pense que ce jeu de ping-pong ne finira jamais comme tu l’écris souvent. Que dire des soi-disant opérations militaires contre les NDC ou FDLR? De la poudre aux yeux sans doute! Il y a quelque temps il a été dit que les opérations contre Cheka n’avaient en rien entamé ses capacités militaires, c’était seulement pour lui demander de s’éloigner des endroits accessibles. C’est exactement la même chose comme qui se fait avec les FDLR. Au fait c’est un jeu bizarre et complexe. Il faut avoir travaillé aux avec les Nations Unies (MONUSCO) pour y piger quelque chose. J’en sais quelque chose. En plus sachons que l’instabilité récurrente dans la région passe pour une politique si pas une stratégie de gestion politique.”
“Cependant, il semblerait que la situation reste très tendue dans la zone car les secteurs de Bushalingwa, Bukumbirwa, Miriki, Buleusa, Bukonde, Ngaha, Lusamambo et autres connaitraient des vagues intenses des IDPs et craintes des affrontements entre le NDC contre lesFDLR dont les troupes seraient en train de se renforcer particulièrement autour de Bukonde. Beaucoup de localités seraient déjà vidées de leurs habitants redoutant les effets croisés des combats et autres atrocités/pillages. La question est de savoir d’où seraient venus les renforts de Guidon en pleine dissidence, même s’il reste fort de ce split? Et où seraient passés les FARDC dans le Lubero car ces attaques étaient prévisibles depuis près de deux mois, entendre des sources locales dans la zone. A suivre. » Pour rappel, une dissidence a vu le jour entre Cheka et son second, Lafontaine, depuis déjà près de deux mois, ceci à l’issue des OPS militaires FARDC-FIB dans le Walikale. Mais l’aile Guidon se disait toujours déterminé à poursuivre sa lutte contre les FDLR, mais dit-on sous-tendu surtout par des motivations économiques sur les carrières aurifères et autres ressources naturelles.”
“Les FARDC se focalisent plus vers le Rwenzori pour Opérations « Sokola » contre l’ADF et à mon avis, il n’y a pas trop de problèmes pour l’instant avec le théâtre de FDLR cantonnés à Kanyabayonga. C’est plutôt le meme jeu qu’a 2010, les FDLR se réorganisent parcequ’iils savent qu’ils n’obtiendront jamais le dialogue direct avec Kigali. Les Mayi-Mayi résiduels du Grand Nord garderaient toujours leurs contacts en Ouganda et serviraient du pont entre les FDLR et les Mayi-Mayi proches de Lafontaine et la coalition des ressortissants de Beni-Lubero; et le trafic matières premières fonctionnent normalement.”
Sur la base de la théorie de Clausewitz, le M23 n’est pas encore totalement vaincu
En stratégie militaire, la position la plus désavantageuse dans laquelle une force belligérante puisse être conduite correspond à son incapacité complète de combattre. Peut-on réellement l’attester aujourd’hui pour le cas du M23 qui a pratiquement gardé intacte le gros de ses éléments combattants?
En effet, si donc l’adversaire doit être, au moyen de l’acte de la guerre, contraint d’accomplir notre volonté, nous devons absolument le mettre réellement hors d’état de combat et dans une situation telle qu’une fois anéantie, il ne soit plus en mesure de pouvoir revenir à la charge militairement ni d’exister politiquement. Il suit de là que toujours l’acte de la guerre doit tendre vers l’objectif de désarmer ou de renverser (politiquement) l’adversaire.
Selon Clausewitz, « tant que nous n’avons pas complètement abattu ou annihilé la capacité de nuisance de l’adversaire en le terrassant complètement, nous pouvons craindre d’être terrassés nous-mêmes – qu’il nous abatte à tout moment. Nous ne sommes dès lors donc plus complètement maître de nous, car il peut encore nous dicter ses lois comme nous lui imposons les nôtres », reste la conception politique fondamentale de la guerre de Clausewitz. Et c’est exactement cette situation d’action réciproque qui s’est passée entre la RDC et le M23 (Rwanda) lors des signatures des documents aboutissant à l’amnistie, le nébuleux acte de Nairobi.
C’est la grande équation à x inconnues que les analystes et experts essayent de décrypter. Ce, d’autant qu’après leur défaite, qualifiée parfois par certains profanes de l’art militaire, de résultat de la blitzkrieg « guerre-éclair » sans comprendre au fond l’essence de ce concept, l’on se demande que reste-t-il encore de la capacité de nuisance ou de résistance du M23 et du Rwanda pour qui la Guerre au Kivu est une question de survie vitale ?
Cela ne semble pas le cas dans la guerre dite de « six jours » qui s’est déroulée du 28 octobre au 5 novembre 2013 au Nord-Kivu aboutissant au repli du M23 vers l’Ouganda sans avoir perdu l’essentiel de ses effectifs. La caractéristique principale d’une blitzkieg, le choc, vise à détruire l’adversaire par la mise en œuvre d’une masse qui va agir avec la plus grande violence. La blitzkrieg vise surtout à causer d’énormes pertes (humaines et matérielles) à l’ennemi par des attaques surprises pour annihiler toutes son potentiel militaire et politique par la suite.
Le M23 n’a pas d’autre stratégie que la rhétorique belliciste
Lorsqu’il ne sait pas se battre, le M23 use de la dialectique “Talking and fighting” . C’est ainsi qu’il a essayé de pousser à nouveau le gouvernement congolais dans un nouveau cycle de négociation : « Alors que Kinshasa se prépare à la nomination d’un nouveau gouvernement de cohésion nationale élargi à l’opposition, le M23 demande à être intégré dans le jeu politique congolais. Dans un communiqué, Bertrand Bisimwa, le président de l’ex-rébellion, exige des autorités congolaises « une réponse favorable à la transformation du M23 en parti politique » conformément aux déclarations de Nairobi. Le M23 dénonce « la stratégie savamment conçue (du gouvernement, ndlr) pour empêcher la direction du M23 de retourner au pays ». L’interpellation des ex-rebelles intervient à quelques jours d’une probable annonce par Kinshasa d’un nouveau gouvernement, censé associer des partis d’opposition au nouvel exécutif congolais. Le gouvernement intégrera-t-il des membres de l’ancienne rébellion dans ce gouvernement ? (…) » Dans un ton menaçant, « le communiqué de Bertrand Bisimwa constitue un avertissement au gouvernement, qui doit, selon lui, honorer ses engagements. Les ex-rebelles en appellent à la CIRGL, à la SADC et aux représentants spéciaux de la communauté internationale pour « sauver le processus de paix en RDC ». (Afrikarabia, 11/09/2014).
Le 5 novembre 2013, Roger Lumbala, vice-président de la délégation du M23 à Kampala, joint par la RFI, avait affirmé que seul un accord politique (NDLR DESC : et non un acte unilatéral de reddition) permettra de régler définitivement la question du M23 . L’aile politique du M23 attend de la communauté internationale qu’elle pousse Kinshasa à respecter ses engagements. « La communauté internationale a sorti un communiqué aujourd’hui disant qu’il faut respecter les onze points qui étaient déjà adoptés ». M. Lumbala a conclu que le M23 n’est pas mort. « En fonction des articles qui ont été déjà adoptés, le M23 va se transformer en parti politique. Donc, la vie du M23 continue ».
Or le M23 n’a pas d’autre stratégie que la rhétorique belliciste et a gardé sa capacité humaine de nuisance qui n’a pas été anéantie par l’assaut des FARDC. D’une manière générale, le M23 – créé en mai 2012- n’a d’autre recours que la stratégie belliciste – appliquée depuis l’AFDL (1996) qui a donné naissance respectivement au RCD/Goma (1998), au CNDP avec le colonel Mutebusi en 2004 à Bukavu (Sud-Kivu) et avec le général Laurent Nkunda au Nord-Kivu à partir de fin 2006 – pour faire valoir ses revendications. Cela porte à conclure que le M23 n’a pas été vaincu militairement en nous basant à la théorie stratégique, mondialement admise, de Von Clausewitz et qu’il pourrait, tel un caméléon, se transformer sous une nouvelle dénomination avec les mêmes revendications ethono-communautaristes.
Ceux qui ont appris à décrypter la stratégie de communication du M23 et de ses ascendants CNDP, RCD-Goma, AFDL, auront compris que tous ces mouvements rebelles ont toujours précédé leurs attaques militaires des communiqués de menace. Avec les FARDC qui voient les anciens officiers du CNDP occuper des postes stratégiques dans la 3ème zone de défense à l’ Est, les disparitions du colonel Mamadou Ndala et du général Bahuma et l’éloignement du général Olenga du commandement de l’armée de terre et que les FARDC ont littéralement abandonné l’ancienne zone d’action du M23 pour se concentrer vers Ruwenzori et Beni à la traque des ADF/Nalu, le décor ne semble–il pas planté, que dis-je? le terrain n’est-il pas dégagé pour que le nord Kivu revive l’épisode de la guerre qui a vu Goma tomber aux mains du M23 le 20 novembre 2012?
Comme quoi c’est une chose de remporter une victoire militaire, surtout lorsqu’on est sous assistanat de la communauté internationale pour y parvenir, c’en est une autre de contraindre l’ennemi à sa volonté, l’écraser complètement militairement et politiquement en lui imposant de signer un acte de reddition et non un document d’engagement bilatéral.
Clausewitz affirmait d’ailleurs avec force que « la guerre est un caméléon » en ce sens qu’elle se transforme à chaque époque et s’adapte à chaque contexte (AFDL, RCD, CNDP, M23 et puis M?). L’avenir donnera sans doute et une fois de plus raison aux prédictions de DESC!
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Défense Et Sécurité du Congo (DESC)