• IDEES & RESSOURCES POUR REINVENTER LE CONGO

Mépris du gouvernement, révision de la constitution, etc. : Pourquoi les congolais peinent à se soulever

Mépris du gouvernement, révision de la constitution, etc. : Pourquoi les congolais peinent à se soulever

Mépris du gouvernement, révision de la constitution, etc. : Pourquoi les congolais peinent à se soulever IN

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu expose l’ambiguïté de l’opposition politique congolaise face aux concertations nationales amis aussi face à sa responsabilité devant les congolais, décrypte les différentes réactions congolaises face à l’éventuelle révision de la constitution et explique les difficultés du peuple congolais à se soulever comme au Brésil ou en Égypte. Enfin, l’abbé Mbelu appelle à la réécriture de notre histoire par nous-mêmes mais aussi à la création des lieux de la réflexion où la pensée peut-être partagée avec nos compatriotes et nos populations et qu’il y ait davantage de synergie entre ces lieux de la pensée et la base de nos populations.

Sur l’ambiguïté de l’opposition politique congolaise face aux concertations nationales

Il y a dans les revendications de l’opposition congolaise une certaine ambiguïté : Au même moment que cette opposition congolaise reconnaît Jospeh Kabila comme président de la république, elle refuse qu’il puisse convoquer les concertations nationales. Si elle pose la question de la légitimité des gens qui occupent les institutions congolaises après les élections chaotiques de novembre et décembre 2011, la question de savoir pourquoi cette opposition ne recourt pas à l’article 64 pour faire échec aux gens qui ont pris le pouvoir au Congo en orchestrant un coup d’Etat et cherchent à trouver un mode et cherche un trouver un modus vivendi avec des putschistes. Il serait mieux que cette opposition lève cette ambiguïté. La question essentielle demeure celle de la légitimité du pouvoir qui convoque les concertations nationales et si par erreur, certains d’entre nous acceptaient d’aller à ces concertations, ils iraient légitimer un pouvoir issu d’un coup d’Etat.

Sur le rôle d’un éventuel médiateur international pour les concertations nationales

On a eu des médiateurs internationaux dans notre histoire. Et, via ces derniers, nous avons eu des concertations qui ont pu avalisé des textes qui avaient été écris ailleurs, mais non des textes qui avaient été concoctés par des congolais eux-mêmes. Ainsi, l’intervention des médiateurs dits « internationaux » n’est pas nécessairement le gage de la crédibilité des concertations dans lesquels on s’engagerait.

Sur l’incapacité du peuple congolais à sortir du pouvoir d’occupation

Regardez ce qui se passe aujourd’hui à travers le monde. Au Brésil, le peuple est dans la rue, parce qu’il estimait que ses droits socio-économiques, culturels et politique étaient violés et la présidente du pays est restée à l’écoute de la rue. En Egypte, une bonne portion de la population a compris que le président Morsi, bien qu’élu démocratiquement, n’arrivait pas à réaliser ses promesses électorales, n’arrivait pas à répondre aux attentes du peuple. Comme elle est éduquée et souvent sur les réseaux sociaux, elle a réussi, avec l’apport de l’armée et de l’opposition, même si c’est encore flou, à déposer un président élu démocratiquement. Pour montrer que même quand il y a passage par les urnes, la légitimité électorale ne suffit plus. On ne peut plus aujourd’hui gouverner en ignorant le peuple, en ne l’associant pas aux décisions qui engagent le destin collectif. Mais comme le Congo est un pays dans lequel les médias sont entre les mains du pouvoir os, les populations sont sous-informées sur ce qui se passe dans d’autres pays et même sur les enjeux majeurs à l’intérieur du Congo, l’éducation civique de nos populations n’est pas encore suffisamment assumée par les partis politiques. Voilà pourquoi notre pays peine à pouvoir sortir du coup d’Etat dans lequel il est plongé depuis tout un temps, mais aussi du pouvoir d’occupation qui s’est installé au Congo depuis 1996.

Sur la situation en Egypte et le lien avec le Congo

L’Egypte n’en est pas à sa première descente dans les rues. Nous pouvons à juste titre de parler du coup de main de l’armée, mais la question essentielle demeure celle-ci : aujourd’hui, même à partir de l’étude de certains grands philosophes politiques, on se rend compte que la légitimité politique ne peut pas être réduite à la légitimité électorale. La légitimité électorale doit pouvoir être confirmée par la réalisation des promesses électorales mais aussi et surtout par la prise en compte des droits sociaux, politiques, économiques et culturels des populations qui ont élu. Une fois que ces questions ne sont pas prises en compte, on se rend compte, avec un peuple bien informé et bien formé, que la légitimité politique, c’est une légitimité faible. C’est ce que la plupart de nos concitoyens, et de nos hommes et femmes politiques, ne savent pas ou font semblant de ne pas savoir. En voyant ce qui se passe en Egypte, on se rend compte qu’une idée devient une force quand elle atteint des masses.

Sur les réactions des intellectuels congolais autour de la révision de la constitution

Certains de nos compatriotes affirment que le livre d’Evariste Boshab était un ballon d’essai qu’il a voulu savoir comment les Congolais réagiraient si demain on touchait demain à l’article 220 de cette constitution. Il y en a qui estiment aussi, et ils ne sont pas encore très écoutés, que ce débat est une distraction organisée pour pouvoir couvrir le pouvoir d’occupation du pays. Il y en a encore d’autres qui estiment que s’attarder sur l’article 220 en oubliant l’article 64, c’est lire cette constitution de manière sélective. Il y en a d’autres encore qui disent ceci : bien que la réaction contre la révision de l’article 220 soit simplement un signal fort lancé à l’endroit du pouvoir d’occupation pour qu’après 2016, on ne puisse plus compter avec Joseph Kabila.
Il y a des compatriotes encore qui estiment que nous sommes en train de nous leurrer sur cette lecture de la situation. Pour que la kabilie ne puisse pas poursuivre sa marche après 2016, il doit tout simplement être mis hors d’état d’agir. Parce que si c’est le même pouvoir qui est aux commandes et qui organise les élections de 2016, il ne serait pas exclu qu’il mette ses pions et que ces pions gagnent haut la main pour pouvoir conserver leurs dividendes après 2016.
Enfin, il y a une catégorie qui dit ceci : Quel est le pouvoir dont dispose ceux qui demandent que l’article 220 ne puisse pas être changé et dont ils n’ont pas pu faire usage quand, après les élections de 2011, Kabila et son clan se sont reconduits à la tête de notre pays ?
Pourquoi ceux qui disent aujourd’hui que demain ils vont se transformer en cadavre, si on modifiait l’article 220 de la constitution n’ont pas pu faire l’usage de ce pouvoir en décembre 2011 ?
Il y a un dernier groupe qui lui dit : qu’on touche ou qu’on ne touche pas à l’article 220, si demain les véritables fils et filles du Congo ont le pouvoir, ils devront mettre sur pied une assemblée constituante pour rédiger une constitution congolaise qui ne soit pas un texte venant de Liège ou d’ailleurs et que le congolais avaliserait, mais rédigé par les congolais, pour les congolais et pour un Congo debout.

Sur le bilan par Matata Ponyo des 6 premiers mois de 2013 pour le Congo

Matata Ponyo fait une lecture politico-économique de la situation de notre pays à partir des références occidentales. Or, à force de parler de la macro-économie et de la croissance, l’Occident est en train de connaître une crise économico-financière qui ne dit pas son nom.
Il y a là un problème fondamental : Quels sont les références dont nous nous servons pour pouvoir évaluer la marche économique de notre pays. Pourquoi ces références doivent-elle rester éternellement occidentales, alors que l’occident qui les utilisées depuis des années est en train de chercher à changer et à trouver une autre lecture de la situation de ses pays ?
Ensuite, on nous parle d’école, on nous parle de routes. Quel est le budget qui y est affecté ? Quand on parle de la santé et de l’éducation dans un pays comme le Venezuela, on donne les chiffres. Le Venezuela affecte aujourd’hui à l’éducation, 7% de son budget. Matata Ponyo peut-il nous dire quel est le pourcentage du budget congolais, qui se chiffrait à pas plus de 7 milliards de dollars, affecté à l’éducation nationale et à la santé ? Combien d’hôpitaux ont été construits pendant ces 6 mois ? Combien de Congolais et de Congolaises ont accès aux soins dignes de ce nom ?

Sur les raisons de l’autosatisfaction de Matata Ponyo et du gouvernement fantôche de Kinshasa

L’autosatisfaction de Matata Ponyo est liée au fait qu’il n’y a pas de pluralisme politique au Congo. Ce sont les mêmes qui sont aux commandes qui s’auto-évaluent, et ne laissent pas suffisamment d’espace pour que leur autosatisfaction puisse être critiquée.
Il ne faut cependant pas oublier que c’est un gouvernement fantôche, issu d’un processus électoral chaotique, il n’est pas exclu qu’il réalise cette autosatisfaction pour pouvoir cacher le processus historique dont il est issu.
Dans ce gouvernement, il y a un mépris terrible de ceux qui ne font pas partie de leur clan. Cela est lié au fait que ces gens considèrent nos compatriotes comme étant des chiens. Les chiens aboient et la caravane est en train de passer à travers des bilans autosatisfaisants. Ils n’ont de compte à rendre à personne.

Sur le contenu de la conférence du 28 juin 2013 à Bruxelles

Nous sommes arrivés à certains conclusions : Que le Congo a été indépendant en 1960 mais que cette indépendance doit pouvoir devenir réelle et être assumée par les Congolais pour qu’ils deviennent les acteurs majeurs de leurs propres histoires. Nous avons insisté sur la réécriture de notre histoire par nous-mêmes mais aussi la création des lieux de la pensée parce que ce qui nous arrive depuis plus de 50 ans, est étudié et planifié. Nous ne saurons pas pouvoir y faire face si nous ne prenons pas le temps d’étudier, de planifier, de créer des lieux où la pensée peut-être partagée avec nos compatriotes et nos populations et qu’il y ait davantage de synergie entre ces lieux de la pensée et la base de nos populations.
Nous avons aussi constaté que le pouvoir traditionnel congolais a été oublié par l’organisation socio-politique et culturel moderne et qu’il est temps de pouvoir penser à redonner au pouvoir traditionnel congolais sa véritable place. Au cours de notre histoire, il y a eu non seulement le vol de nos matières premières, mais aussi le vol de notre histoire, qui a participé de l’hégémonie culturelle occidentale dominante.
Il y a de plus en plus de patriotes qui estiment que nous devons travailler intelligemment ensemble, nous organiser pour faire face aux enjeux majeurs de notre pays aujourd’hui.

Sur la situation d’Eugène Diomi Ndongala

Diomi Ndongala est très malade et presque paralysé. Le médecin (de la prison) de Diomi Ndongala a demandé au directeur de la prison de pouvoir laisser sortir Diomi Ndongala pour qu’il aille se faire soigner. Son épouse a tout fait pour que le message du médecin parvienne au directeur de la prison. Mais ce dernier ne veut rien entendre. Voilà encore une preuve que nous ne vivons pas dans un pays qui peut effectuer des bilans autosatisfaisants comme celui de Matata Ponyo.
Des acteurs politiques retenus en prison pour des raisons tout à fait politiciennes et que l’on voudrait, dans le cas de Ndongala, voir mort parce qu’il a commis le pêché de pouvoir dire sa vision de la politique congolaise aujourd’hui. Le cas Ndongala est une preuve qu’il n’y a pas de pluralisme politique au Congo et qui ceux qui parlent et disent des choses suffisamment désagréables pour le clan Kabila, ils risquent de joindre Ndongala en prison.

 

 

INGETA.

REINVENTONS

LE CONGO

Informer. Inspirer. Impacter.

Notre travail consiste à :
Développer un laboratoire d’idées sur le passé, présent et futur du Congo-Kinshasa.

Proposer un lieu unique de décryptage, de discussion et de diffusion des réalités et perspectives du Congo-Kinshasa.

Aiguiser l’esprit critique et vulgariser les informations sur les enjeux du Congo, à travers une variété de supports et de contenus (analyses, entretiens, vidéos, verbatims, campagnes, livres, journal).