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Les Femmes de Maquis Oubliées

Les Femmes de Maquis Oubliées

Les Femmes de Maquis Oubliées IN

Par UNGUO Louise Bandinikay*, membre de la Ligue des Mères de la Nation.

Pendant que je couche ces quelques lignes, je suis là rêvassant, ne sachant que faire, tournant et retournant des pensées dans ma tête. C’est ainsi qu’il m’est venu l’idée de mettre ce petit passage de ma vie sur papier et cette traversée je vais l’intituler : « La femme combattante dans l’oubli».

Ce fut un jour du mois de décembre de l’année 1964 que surgit la révolution populaire des mulelistes, en Province Orientale. J’avais juste 14 ans et venais de terminer mes humanités pédagogiques au lycée de la Nepoko ; je devais continuer mes études par la suite. C’est à mes parents, tous deux, de nobles travailleurs dans le service médical que je dois mon éducation et mon instruction ; je leur en suis reconnaissante.

A l’entrée de l’armée populaire dans notre territoire de Wamba, je fus appréhendée et enlevée, par des miliciens, avec une de mes nièces alors qu’on se rendait au couvent des religieuses pour nous informer de la situation des sœurs violées et torturées et dont l’une d’elles fût tuée, la sœur Anuarité Nengapeta Marie Clémentine. Parmi ces religieuses, il y avait la sœur Jean Baptiste Gbukuma, qui était ma nièce et avait un bras fracturé en deux et des blessures sur tout le corps.

Depuis ce fameux jour, j’ai dû me plier aux exigences des miliciens et ce fût le début du calvaire pour ma nièce, Pauline Gbukuma, et moi – même. Les leaders qui conduisaient les opérations nous trimballaient partout. L’un d’eux m’enleva de chez mes parents avec la promesse de me faire étudier à l’étranger pour épargner la vie des miens et m’emporta. Quand on fut loin de ma famille, les bonnes paroles se sont envolées et je fus violée et maltraitée à cause de ma résistance.

Au front, je m’occupais des soins des blessés et je faisais la cuisine du lieutenant général Olunga, le chef des opérations.

Lorsque la rébellion fut mâtée, on prit le chemin de l’étranger par le Soudan.

La vie à l’étranger pour moi n’était pas du tout rose. Etant naïve et sortie à peine de l’école, je n’avais surtout pas aimé la voie empruntée pour en arriver là, n’y étant pas parvenue de mon plein gré. C’était bizarre pour moi. Etant incarcérée par le leader, je n’avais pas de visites ni de contacts. J’ai vécu dans la solitude, au début ; par la suite je m’y suis habituée. Le leader m’a intéressée à la politique de mon pays en me racontant l’histoire de la colonisation et de l’indépendance, et en m’expliquant la cause du soulèvement de la population du aux mauvais traitements des populations, à l’injustice sociale et à la dictature de certains dirigeants qui étaient au pouvoir. Il m’emmenait dans des conférences et dans des ambassades et consulats des pays qui soutenaient la cause. J’ai aimé et j’ai eu moi aussi la vocation de mener la lutte pour mon pays.

En 1965-67, je vivais chez Pauline Opango, la veuve de Lumumba, pendant que mon conjoint était au front. J’ai eu l’ample occasion de rencontrer et de servir tous les dirigeants congolais qui étaient de passage chez madame Lumumba qui résidait en Egypte en ce temps là. Le chaos laissé derrière nous m’occasionnait une douleur permanente ; j’ignorais si mes parents étaient vivants ou morts. Au Caire, étant catholique pratiquante, j’ai confié aux pères d’une congrégation de Zamalec, la mission de retrouver mes parents, via les congrégations religieuses des sœurs de l’Enfant Jésus à Nivelles (Belgique) dont un couvent se trouve à Wamba. Ma famille a eu la joie de me savoir vivante et moi-même, de mon côté, je me suis sentie libérée d’un fardeau qui me pesait sur le cœur.

Ce furent alors Laurent Désiré Kabila, Kanza Thomas, Gbenye Christophe, Soumaliot Gaston, Gizenga Antoine, Albert Kisanga, Nyati Bulamandungu Thony et beaucoup d’autres militants et combattants, que je ne peux continuer à mentionner de peur de remplir toute la feuille, qui défilèrent. J’étais devenue nationaliste et patriote, j’avais le souci de mon peuple, de l’extérieur où je voyais et vivais la réalité de la situation politique du pays.

Le Lumumbisme m’a conduit à connaître beaucoup d’autres lieux comme l’Ouganda, la Tanzanie, le Kenya, le Soudan, la République Centre Africaine. Dans ces pays là, les peuples avaient aussi leur histoire sur la liberté. Pendant les luttes de libération, des femmes étaient victimes de toutes sortes d’exactions : elles étaient violées, déportées et forcées à toutes espèces de travaux sans rémunérations ni remerciements. Je pense à ma co-victime d’alors, ma nièce Pauline Gbukuma, retournée d’exil et décédée depuis.

Mais la lutte continua jusqu’au bon jour du 17 mai 1997 où nous avons enfin obtenu ce que nous cherchions depuis 1964, 33 ans après un combat de longue haleine, une longue marche et de pénibles moments.

Nous voici maintenant arrivés dans le couloir du paradis pour les unes et celui de l’enfer pour les autres car aujourd’hui la femme violée, déportée, torturée, arrachée à sa famille pendant l’atroce guerre de 1964 et de1997 ne se retrouve nulle part. Il n’y a même pas de mémorial son intention et les rescapées, témoins vivants de cette situation croupissent dans le silence, dans la misère et dans l’oubli total, observant et subissant la réalité de ce monde.

Je fais allusion à moi-même, Madame UNGUO BANDINIKAY M.LOUISE, auteure de ce témoignage.

Mes souhaits sont :

LA RECONNAISSANCE
Que l’histoire reconnaisse l’œuvre des femmes de maquis en les mentionnant dans les livres d’histoire, qu’il soit élevé dans toute la république, un monument à leur honneur ou une plaque commémorative, qu’il y ait une réparation collective par le biais d’une cellule de coordination nationale rattachée à la présidence de la république en vue d’un recensement contrôlée et dirigée par l’initiatrice.

LA REPARATION
Dédommager ces oubliées de notre histoire par une prime mensuelle, des bourses d’études pour l’accès de leurs enfants aux études supérieures ou universitaires et la distribution d’une concession dans chaque province ou district.

L’EXPERTISE
Utilisation de ces femmes comme personnes ressources afin d’encadrer et d’appuyer les femmes victimes des guerres actuelles

RESOLUTION
Ma vive résolution est d’aller de l’avant et ma détermination est d’avoir le flambeau de la liberté à tout niveau, perché au haut du créneau afin que toutes celles d’aujourd’hui où de demain puissent, elles aussi suivre l’exemple de plusieurs d’entre elles qui ont sacrifié de leur vie.

CONCLUSION
Je prête main forte à toutes celles qui de loin ou de près bien venir au secours de l’élite congolaise de demain. Je conseille aux membres de la Ligue des Mères de la Nation, de se tenir coude à coude et de faire la différence afin que l’objectif soit atteint et que la flamme de l’espérance brille dans le cœur de toutes.

 

*Je m’appelle UNGUO Louise Bandinikay. Je suis mère de 9 enfants et suis née à Mongwalu, le 11/11/1948..Je suis originaire du territoire de Wamba, district du Haut-Uele et province Orientale. Fille de UNGUO Bruno et Baningina Amboko Sophie : tous deux ont évolués au service médical en milieu rural. Cette expérience de mes parents a éveillé en moi le désir de servir les autres. Les révolutionnaires m’emportèrent malgré moi. J’ai vécu les maquis et le syndrome de Copenhague agissant, j’ai adhéré à leurs idées ; j’ai connu l’exil. En 1975, je fus chef de la délégation de femmes du territoire de Bafwasende à Kinshasa pour la proclamation de l’année Internationale de la femme. A la victoire du maquis de l’Est je me retrouve à Isiro où je m’occupe de ma maisonnée. La guerre d’agression de 1998 emmène à Isiro mon compagnon de lutte et nous reprenons les routes pour libérer les territoires « Isiro, Dingila, Ango, R.C.A.(Zernico), Gbadolite et Kinshasa ».

INGETA.

REINVENTONS

LE CONGO

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