Pour comprendre, les enjeux de la région des Grands lacs, aujourd’hui, il est indispensable de s’arrêter sur le lac Albert, entre autres. En effet, depuis 2006, du pétrole a été découvert dans le lac Albert, entre la RD Congo et l’Ouganda. Il est également important de rappeler que les compagnies pétrolières internationales avaient fait le choix de négocier uniquement avec l’Etat Ougandais et non l’Etat congolais.
Cette analyse vidéo de l’historien spécialiste de l’Afrique décrypte la situation explosive autour du Lac Albert.
Le pétrole du lac Albert – une géopolitique à… par realpolitiktv
L’analyse de Bernad Lugan (en 2010)
“Comme Kabila n’est pas de taille à lutter à la fois contre les ambitions ougandaises dans la région du lac Albert et contre la politique annexionniste du Rwanda dans les Kivu, il a donc provisoirement décidé de « faire la part du feu » en s’appuyant sur Kigali pour éviter de se voir spolié par Kampala et les grandes compagnies pétrolières.
Le marché est clair : Kigali doit s’immiscer dans le jeu pétrolier du lac Albert afin de tenter de faire obstacle à la tentative de mainmise ougandaise. En échange, Kinshasa se montrera discret sur la présence des troupes rwandaises au Kivu et n’utilisera pas contre Kigali le rapport de l’ONU sur le génocide commis par ses troupes dans l’est de la RDC. Le chef de l’Etat congolais qui a plusieurs fers au feu fait le calcul suivant : dans le futur, il aura moins à craindre de Kagamé que de Museveni car, après avoir été adulé par l’opinion internationale, le président rwandais devient peu à peu un paria au fur et à mesure que les mensonges liés au génocide, à ses causes, à son éclatement, à son déroulement et à ses conséquences en RDC, apparaissent au grand jour.
Le pari de Kinshasa n’est cependant pas gagné car Kagamé n’est pas non plus un naïf et comme il a déjà été lâché par plusieurs de ses soutiens, prendra t’il le risque de se mettre à dos les compagnies pétrolières ? Comme il n’est plus en mesure de jouer sa carte internationale favorite qui est le chantage à la guerre, lui aussi doit donc miser sur plusieurs tableaux. C’est pourquoi, tout en donnant des assurances à la RDC, il fait miroiter les potentialités pétrolières de la région du lac Kivu dont il se ferait fort de garantir l’exploitation, l’intérêt des pétroliers étant naturellement de traiter avec un régime fort… Certes, mais ses opposants tutsi actuellement réfugiés en Afrique du Sud font la même promesse et ils appellent clairement à son renversement…
Dans ces conditions, Kagamé qui désormais joue sa survie, n’a donc pas intérêt à se brouiller encore davantage avec Museveni. Comme ce dernier est lui aussi affaibli, tous deux ne vont-ils pas se rapprocher ? Le problème est qu’une telle politique se ferait aux dépens de Kabila qui ne manquerait alors pas d’utiliser le rapport de l’ONU qui accable Kigali… Quoiqu’il en soit, le président ougandais a-t-il, lui, intérêt à une entente avec un Kagamé sur le déclin? Ne pourrait-il pas plutôt tenter de reprendre la main en proposant un « accord » à Kinshasa sur le dos de l’actuel président rwandais ? Toutes les options sont ouvertes. C’est dans ce jeu de poker menteur à la fois complexe et mouvant que la France tente actuellement de s’introduire avec une connaissance superficielle de la subtile alchimie ethno politique régionale”.