L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu revient sur le mode de fonctionnement du conglomérat d’affairistes qui prétendent siéger au parlement, rappelle comment notre histoire peut nous guider à mieux comprendre ce qui se passe aujourd’hui au Congo, de l’éventuelle révision de la constitution aux Bakata Katanga – en passant par les rapports d’ONG – et explique pourquoi tous les congolais devraient se mobiliser pour pouvoir travailler, planifier le renversement du système actuel. “Quand vous n’avez pas un pays respectable, personne ne peut vous respecter à travers le monde”.
Sur l’invalidation par le parlement congolais de 5 députés de l’opposition
Qui peut invalider qui ? Le processus électoral au Congo est fondé sur les fraudes, les tricheries et les mensonges. Et comme la plupart de ceux qui se retrouvent aujourd’hui à l’assemblée ont été nommés par le pouvoir-os usurpateur de Kinshasa. Ce dernier peut s’adonner à cœur joie à n’importe quelle manœuvre…
Ce qui se passe aujourd’hui est tout simplement un règlement de compte entre le camp qui dit être de la majorité présidentielle et les autres.
Il n’y a pas de parlement au Congo. Nous avons un conglomérat d’affairistes cherchant l’argent à tout prix et mettant le bonheur collectif partagé. Et ce conglomérat s’arrange pour procéder de manière cavalière comme il le fait là, avec des procédés de bandits de grand chemin.
Sur les forces acquises au changement (FAC) et la fameuse « opposition » parlementaire
Au sein du parlement, il y a des minorités qui essaient de sortir du lot, mais il faudrait encore que ces derniers approfondissent les questions face auxquelles notre pays est confronté aujourd’hui. Les FAC essaient de faire un travail de conscientisation de nos concitoyens sur certains enjeux internes du moment. Mais, quand vous lisez le texte de la conférence de presse des FAC, lorsqu’ils disent que le problème est Joseph Kabila, ils oublient que, pour que tout ce qui est train de se passer chez nous réussisse, il y a un réseau transnational de prédation qui opère et ces messieurs qu’on met sur les devant de la scène évoluent dans ce réseau comme des marionnettes.
Le danger qui nous guette cependant est de mettre trop sur le devant de la scène les exécutants des ordres des maîtres du Monde et d’oublier que derrière les Ngoy Mulunda, derrière les Malu Malu, derrière les Kabila, il y a une main qui opère et qui est beaucoup plus dangereuse. Parce que cela risque de servir les maîtres du monde dans la mesure où ça va davantage créer des dissensions entre nous. Ainsi nous risquons de passer à côté de la lutte, du combat essentiel.
Sur l’éventuelle révision de la constitution au Congo et les prédateurs
C’est un plan bien élaboré. Ce qui est train de se passer avec la publication du livre d’Evariste Boshap, ce n’est pas un hasard. C’est ce qui les FAC devraient comprendre, par exemple au lieu de réagir au coup pour coup. Ceux qui sont au pouvoir-Os de Kinshasa ont une devise qu’ils suivent : « Le chien aboie, la caravane passe ». Il faut se rappeler que la constitution congolaise n’a pas été faite par les congolais pour les congolais. Elle a été dictée par les maîtres du monde qui mènent le jeu de la guerre de prédation dans l’ombre.
Tous les congolais devraient se mobiliser pour pouvoir travailler, planifier le renversement du système. Si ce système là ne change pas, on aura beau crier, vociférer, aboyer comme le chien, la caravane va passer.
Les actions que nous menons doivent être planifiées. Nous devons travailler sur le court, moyen et long terme, tout en nous disant que ceux qui sont en face ne badinent pas. Tout en sachant également qu’il y a un autre débat, celui des compatriotes qui ont toujours dit « Ca ne sert à rien » : cela ne sert à rien de s’engager dans un processus mené par des occupants.
Les faits donnent raison à ces compatriotes. Tout ce qui se passe aujourd’hui a déjà été planifié. Ce qui se passe aujourd’hui est une vieille nouvelle bataille qui prend, à chaque fois, une apparence nouvelle. Le Congo, pour les prédateurs, pour le conglomérat d’aventuriers qu’ils utilisent, devraient rester la chasse garder des grandes puissances. Pour ces gens là, le Congo doit leur appartenir et non aux congolais.
Sur le silence de Kabila sur l’attaque de Bakata Katanga et le rapport à notre histoire
Apparemment, les Bakata Katanga estiment même qu’ils pourront déclarer le Katanga comme étant un pays à part le 11 juillet 2013. Il y a donc quelque chose qui se prépare et que nous ne pourrons jamais comprendre si nous ne revenons pas tout à moment à notre histoire. Dans le livre de Marie-France Cros, « Géopolitique du Congo », il y a une note qui parlait déjà en 1996 de la séparation du Zaïre utile du reste du pays. Les initiateurs de ce projet n’y ont pas du tout renoncé. N’oubliez pas surtout qu’il y a un projet de pouvoir constituer un nouveau pays qui prendrait, entre autres, des provinces du Congo, le Rwanda, l’Ouganda le Burundi, le Kenya, avec comme chef Museveni ou Kagamé.
Ceux qui nous mènent la guerre n’ont pas renoncé à leur désir d’implosion et de balkanisation de notre pays.
Sur le rapport d’Amnesty International, les creuseurs artisanaux et la guerre économique
Ces ONG travaillent avec les pays qui les financent. Or les pays qui les financent sont en guerre ouverte avec la Chine et la Russie en tant que puissance émergente. Quand vous voyez ce qui se passe aujourd’hui au Brésil, il ne faut pas croire que ce sont des faits anodins. Heureusement que la présidente du pays, Dilma Rousseff, a compris qu’elle devrait négocier avec sa population pour mettre fin à la grogne sociale. Or ceux qui nous mènent la guerre montent plusieurs coups que nous pouvons comprendre quand nous restons aussi attentifs à la guerre économico-financière qui se mène aujourd’hui entre les puissances occidentales sur le déclin, en crise morale permanente, et les pays émergents. Il ne faut jamais prendre ses rapports comme des rapports innocents. Ce sont des coups bien étudiés et bien orchestrés.
Sur la question rwandaise au Congo
Plusieurs rwandais sont dans des institutions congolaises, c’est d’ailleurs le Rwanda qui dirige le Congo. On tend à oublier que l’armée est majoritairement dirigée par des rwandais, que les institutions congolaises importantes sont gérées par des rwandais, etc… Et on voudrait nous faire croire que le pays est un pays normal qui est en train de lutter pour sauvegarder sa souveraineté. Nous sommes un pays infiltré en permanence, un Etat manqué voilà pourquoi les patriotes épris d’amour pour le pays, se doivent de lutter d’arrache-pied pour pouvoir renverser la vapeur et changer de système.
Sur le mépris des congolais à travers le monde
Quand vous n’avez pas un pays respectable, personne ne peut vous respecter à travers le monde. Dans les années 70 voire au début des années 80, les congolais ne venaient pas s’installer en Europe. C’est quand la même Europe avec ses alliés anglo-saxons ont déstabilisé le Congo que les congolais ont commencé, massivement, à en partir. Avant, les congolais venaient à l’extérieur pour les vacances puis retournaient au Congo. Comment voulez-vous que les gens qui estiment que la misère, la pauvreté sont atroces, restent sur place et ne puissent pas se battre pour avoir le minimum requis qui puissent les aider à survivre et tenir le coup. Aujourd’hui quand vous voyez comment les chinois sont adorés dans plusieurs pays d’Europe, vous comprenez que la Chine est en train de dépasser son statut de pays émergent et de devenir une très grande puissance. Donc, on peut être mieux respecté quand on a un pays respectable.