COMMUNIQUE DE PRESSE DU CENTRE POUR LA GOUVERNANCE – N°001/CG/2012
« ON COURT DERRIERE UN FANTOME »:
Sur l’incapacité des efforts diplomatiques à prévenir le risque d’implosion de la situation sécuritaire dans la partie orientale de la RDC.
Les efforts diplomatiques actuellement en cours en vue de résoudre la crise sécuritaire dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo sont nettement en-deçà de la réalité de terrain, a averti aujourd’hui le Centre pour la Gouvernance.
Basée à Kinshasa mais entretenant des antennes d’observation à travers les zones affectées par le conflit, Centre pour la Gouvernance a base ces conclusions sur une observation minutieuse de la situation et une série d’entretiens avec les acteurs militaires et civils locaux.
D’après cette organisation, pendant que les Etats de la région ainsi que les organisations gouvernementales régionales et internationales (CIRGL, SADC, ONU) peinent à s’accorder sur une approche visant à mettre fin au conflit armé qui sévit dans la province du Nord-Kivu, les groupes armes et autres acteurs nationaux et étrangers imposent à la dégradation de la situation sécuritaire une évolution au rythme de laquelle les efforts diplomatiques pourraient s’avérer incapables de s’adapter. La formation des groupes armés dans d’autres localités que celles visées par les efforts diplomatiques, notamment dans la vallée de Tanganyika au Sud-Kivu et dans la cité de Berunda dans le district de l’Ituri, ne constitue qu’une illustration de cette asymétrie entre efforts diplomatiques et risque accéléré d’implosion sur terrain.
Dans une collectivité de la plaine de Ruzizi peuplée d’une forte communauté congolaise d’origine burundaise, les jeunes de la communauté Fulero regroupés au sein d’un groupe armé dénommé « Local Defence » menacent d’organiser des raids contre les populations de la vallée de Ruzizi si le gouvernement ne prenait pas des dispositions pour mettre fin à ce qu’ils qualifient d’escroquerie de la part de la communauté burundaise établie dans la plaine pour avoir transformé la collectivité secteur de la plaine en une collectivité chefferie privant ainsi les Balero et Bavira du droit de participer à la gestion de cette entité territoriale décentralisée.
Le Centre pour la Gouvernance a constaté la naissance récente d’autres groupes armés, notamment l’Alliance pour la Libération de l’Est du Congo (ALEC) a Uvira (Sud-Kivu) et les Forces Populaires pour la Démocratie (FPD) basées a Ishasa, territoire de Rutshuru (Nord-Kivu) et commandes par un certain Jason Shetani.
Dans le district de l’Ituri, le Général Bosco Ntaganda est parvenu à établir un camp d’entrainement sous le commandement du Colonel Innoncent Kahinda alias India QUEEN en vue de recevoir les militaires déserteurs des FARDC ainsi que les jeunes recrutés pour suivre une formation dans la perspective d’une attaque contre la ville de Bunia au début de mois d’octobre prochain.
A ces jours ce camp a accueilli des officiers ayant désertés dans les rangs des unités de FARDC engagées dans les combats contre le M23 en territoire de Rutshuru. Il s’agit de :
- Lt Colonel MAKI Papy commandant du premier bataillon 601ème régiment ;
- Major BEBWA Musinguzi commandant de la 2ème compagnie du 2ème batiallon, 601ème régiment ;
- Major MWESIGE Assan, S3 2ème bataillon, 601ème régiment ;
- Capitaine KIZA Mugisa commandant 3ème compagnie, 3ème bataillon, 602ème régiment.
Ces officiers anciens membres de l’Union des Patriotes Congolais (UPC) de Thomas Lubanga ont rejoint ce camp après avoir déserté les rangs des FARDC à Rutshuru via le Rwanda et l’Ouganda. Ils rejoignent ainsi le général Bosco Ntaganda, leur ancien Commandant dans la rébellion UPC dans le district de l’Ituri.
Dans la ville de Butembo, le Colonel KAYIKUNZA Paul a menacé de faire défection au cas où il serait muté en dehors de cette entité territoriale administrative. Il en est de même du Colonel RUHORIMBERE Eric, commandant du premier secteur déployé en Territoire de Beni et dans la ville du même nom. Ces menaces arrivent seulement quelques jours après les récentes défections, dont celle du colonel Seko, ancien officier des renseignements du secteur FARDC de Beni.
Une autre indication d’une escalade de l’insécurité est donnée par les nombreux cas d’assassinats, de tueries, d’attaques à la grenade, des rafles et raids dans plusieurs localités, cités, agglomérations et villes de la Province du Nord-Kivu. Parmi ces incidents, on signale l’attaque d’une bistro le 25 septembre 2012 survenue au quartier Katindo, Commune de Goma ayant entrainé la mort de trois personnes, notamment un militaire de la Garde républicaine, l’assassinat de trois personnes aux quartiers Keshero et Notre Dame ainsi que l’attaque à la grenade de la résidence du Vice-Gouverneur dans la nuit du 26 au 27 septembre 2012 dans la Ville de Goma et, le raid de la résidence de Monseigneur Melchisédech Sikuli, Evêque du Diocèse de Butembo-Beni ce 26 septembre 2012 dans la Ville de Butembo par les éléments FARDC conduits par le Colonel TANGAZO du camp militaire de Rughenda sous prétexte de réquisitionner le véhicule devant transporter les militaires pour aller combattre les groupes armés actifs sur la route de Mangurendjipa.
Dans la localité de Luofu, groupement d’Itala, chefferie de Batangi en territoire de Lubero, les populations sont en proie à une insécurité grandissante due à l’activisme des éléments FDLR retournés et qui bénéficient de la protection des officiers des FARDC du 103ème régiment du 5ème secteur, notamment le capitaine Kayembe, l’Adjudant Sadiki et le Sergent Alain qui approvisionnent ces retournés FDLR en armes et munitions en échange des récoltes et autres produits de champs des paysans au point que certains jeunes des communautés locales n’hésitent pas à appeler à l’organisation d’un système d’autodéfense populaire.
Face à ces signes préoccupants, le gouvernement congolais est frappe de paralysie et le peu d’initiatives qu’il annonce sont traversées par des contradictions qui en limitent la portée. C’est le cas de l’opération de recrutement dans l’armée récemment lancée par le gouvernement. Alors que le processus de recrutement était justifié en grande partie par la volonté de ne plus procéder à l’intégration des éléments issus des groupes armés et milices tribales actifs dans la partie orientale de la République, le Centre pour la Gouvernance constate qu’une telle intégration se poursuit, voire s’intensifie parallèlement au recrutement.
Dans le district de l’Ituri, par exemple, le général-major Amuli Bahigwa procède au regroupement depuis le 7 septembre 2012 dans les localités de Gety, Aveba et Kagaba des éléments de la milice Force de Résistance Patriotique en Ituri (FRPI) du Colonel Bana Loki alias Cobra Matata, déserteur lui aussi des FARDC, en vue de leur intégration dans les Forces armées de la RDC.
Dans le Nord-Kivu, plusieurs centaines de jeunes recrues du groupement de Bashali-Mukoto, collectivité de Bashali et des localités de Mweso, Kasugha et Pilote en Territoire de MASISI ont été détournés de leur objectif de rejoindre l’armée régulière, à l’occasion de la campagne de recrutement lancée par les les Colonels FARDC NIBIZI, Ndume, Yusto et Mutahunga, respectivement commandant second du 806ème régiment basé à Mweso, commandant second du 808ème Régiment basé à Kasugha et commandant du 812ème régiment basé à Tongo, groupement de Bukombo, Chefferie de Bwito en territoire de Rutshuru. Ces officiers conduisent les jeunes recrues dans un centre de formation illicite établi à Kabale (3 km de Mweso centre), lequel centre est supervisé par un certain Kasongo, non autrement identifié mais démobilisé, sous le commandement de certains officiers des 806ème, 809 et 812ème régiments issus de l’ancienne rébellion du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) ayant donné naissance au mouvement insurrectionnel du M23 dont certains éléments font mouvement vers les localités de Mweso, Kichanga et Kirolirwe en Territoire de Masisi.
Tous ces faits amènent la structure de la société civile locale à craindre l’infiltration dans plusieurs localités, centres urbains et Villes des Provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu ainsi que le District de l’Ituri par les éléments M23 dans la mesure où ces actes rappellent les signes ayant prévalu dans la région avant l’agression dont la République a été victime le 02 août 1998.
C’est pourquoi, le Centre pour la Gouvernance demande :
1. Au Gouvernement Congolais de :
- Clarifier les rapports entre les officiers FARDC issus du CNDP avec le M23 à défaut de les relever de leurs fonctions pour une mutation en dehors des Provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu et le district de l’Ituri ;
- Mettre fin à la cacophonie dans le processus de recrutement des jeunes lancé depuis plus de deux mois par l’adoption d’une approche claire, structurée, coordonnée et exempte de tout soupçon ;
- Engager les autorités judiciaires d’enquêter sur les allégations faisant état de relations qu’entretiennent certains officiers de l’armée avec les groupes armés ;
2. A la Mission de l’Onu pour la Stabilisation du Congo (Monusco) d’aider le gouvernement congolais, conformément à son mandat, à :
- Se doter et à mettre en œuvre des grandes orientations dans le processus de recrutement des jeunes ;
- Elaborer une stratégie globale relative à la réforme du secteur de manière à permettre au pays de se doter des organes chargés de la sécurité nationales et des institutions judiciaires démocratiques en mettant l’accent sur la professionnalisation des organes chargés du secteur de la sécurité, y compris les organes de contrôle qui aident à garantir la cohérence et l’efficacité et à éviter les chevauchements et les lacunes.