Par Jean-Pierre Mbelu
La Russie de Poutine va accorder 15 milliards de dollars à l’Ukraine pour l’aider fraternellement à faire face à la crise de sa dette. Ce fait fraternel passe presque inaperçu dans les médias africains et même dans ceux qui pourraient être considérés comme médias alternatifs. C’est comme si, dans l’imaginaire africain, la guerre (froide) menée contre le communisme en tant que système alternatif au capitalisme, avait fini par manger les cœurs et les esprits en les convaincant de l’inutilité de la démarche. En tout cas, s’il faut éviter de généraliser, nous n’avons lu ce fait fraternel dans aucun média congolais alternatif. Cela nous semble inquiétant! Dans la mesure où les mêmes médias scrutent tous les faits et gestes d’Obama, de Cameron et de Hollande ! Les mêmes médias vous diront, quand les congolais(es) sont roulés dans la farine par le pouvoir parallèle et occulte occidental, que De Gaulle a dit : « Entre les nations, il n’y a pas d’amitié ; il n’y a que des intérêts. » Ils refuseront d’apprendre de Poutine aidant l’Ukraine qu’entre les nations, il peut aussi y avoir de la fraternité.
La disqualification de l’URSS communiste par l’élite dominante occidentale semble avoir causé des dégâts sérieux dans l’imaginaire des africains, victimes de l’hégémonie culturelle occidentale. Ils sont aujourd’hui disposés à accepter.
Il serait malhonnête de croire que Poutine ne recoure pas au « soft power » pour garantir les intérêts russes tout en faisant très attention pour ne pas empiéter sur les plates bandes de ses alliés occidentaux. Néanmoins, il le fait en essayant, tant soit peu, de respecter le droit humanitaire international et les valeurs de la culture chrétienne orthodoxe (dont son pays est héritier). Poutine n’a pas honte de reconnaître qu’il peut être qualifié de conservateur du moment qu’il sauvegarde les valeurs traditionnelles de son peuple tout en respectant celles des autres. En aidant l’Ukraine comme peuple frère, il coupe l’herbe sous les pieds du FMI qui, en 2010, tout en ayant promis la même somme (15 milliards de dollars), lui en a versé trois en conditionnant le versement du reste par l’acceptation de Kiev d’appliquer les mesures d’austérité. La Russie revenant sur l’échiquier mondial semble être un modèle qui dérange. Elle n’attire pas les masses africaines nostalgiques de la colonisation et de la néocolonisation ! Pourtant, à travers le geste posé à l’endroit de l’Ukraine, elle est en train de nous apprendre que les intérêts ne sont pas que concurrentiels, compétitifs et platement matérialistes ; ils peuvent aussi être platement fraternels. Qui, en Afrique, serait prêt à écouter cet autre son de cloche ? Au Congo dit démocratique, les hauts faits de la Banque mondiale et du FMI continuent d’être loués, cela même si certains d’entre nous savent que sur le 1 dollar prêté par ces IFI, la RDC rembourse 7[1]. Comment expliquer cet esclavagisme mental ?
La destruction des nations et des identités culturelles africaines par « une économie de guerre » permanente menée par les oligarchies prédatrices du Nord en complicité avec les nègres de service du Sud a vraiment fini par atteindre les cœurs et les esprits des plusieurs compatriotes africains. Pendant longtemps, ils vont préférer citer De Gaulle et oublier Poutine. Les médias dominants leur ont appris que Poutine est un dictateur. Ils ne prendront jamais en ligne de compte que ce « dictateur » a permis un trêve dans la guerre terroriste contre la Syrie en évoquant le droit international et en critiquant vertement « l’exceptionnalisme américain ». Disons que le viol de l’imaginaire de plusieurs d’entre nous leur rend le désapprentissage difficile ou plutôt impossible ! N’exagérons rien. Petit à petit, les minorités organisées en conscience comprennent et évitent de faire trop de bruit. Elles préfèrent agir.