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La Monusco, les chancelleries occidentales et les libertés fondamentales

La Monusco, les chancelleries occidentales et les libertés fondamentales

La Monusco, les chancelleries occidentales et les libertés fondamentales IN

Par Jean-Pierre Mbelu.

Une analyse assez poussée des derniers développements de l’actualité de notre pays nous pousse à croire davantage qu’il y a une redistribution des rôles entre les différents acteurs impliqués dans la guerre d’agression qui nous est livrée depuis 1996. Cette guerre est l’une des stratégies de la superclasse mondiale décidée à gouverner contre les peuples. Comprendre cela peut rendre efficaces nos actions émancipatrices de sa politique oppressive.

Le 16 février 2012, une manifestation des chrétiens et chrétiennes de Kinshasa a été réprimée par « une police » dressée contre nos populations. Des bombes lacrymogènes ont été jetées dans les églises. Des chrétiens et chrétiennes, des prêtes, des diacres, des religieux et des religieuses ont été arrêtés et puis, relâchés. A l’église St Joseph de Matonge (à Kalamu), l’intervention de la Monusco a permis aux chrétiens et chrétiennes séquestrés par « la police » de se tirer d’affaire. La même Monusco est intervenues pour que les personnes arrêtées puissent être relâchées.

Le 24 février 2012, Etienne Tshisekedi wa Mulumba a été invité à l’Ambassade de l’Allemagne où les Ambassadeurs Européens accrédités au Congo lui auraient demandé de présenter son plan de sortie de « la crise » où le pays est embourbé. Comment a-t-il fait pour arriver à cette Ambassade, lui qui est en résidence surveillée ? Les initiateurs de l’invitation doivent avoir demandé que la mesure soit levée momentanément. (Lire R. LUAULA, Les Européens invitent Tshisekedi à se tourner vers l’avenir, le président élu exige pour sa part que l’imperium soit rendu au peuple).

La répression de la manifestation du 16 février 2012 relève de la violation permanente des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Congo. Depuis la guerre d’agression de 1996, la violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales relève du mode de gouvernement des « gouvernants » en place . Deux documents importants peuvent être consultés sur cette question. Il y a un livre (J.-P. BADIDIKE, Guerre et droits de l’homme en République Démocratique du Congo. Regard du Groupe Justice et Libération, Paris, L’Harmattan, 2009) et un rapport de la FIDH (République démocratique du Congo. La dérive autoritaire du régime, juillet 2009). Les différents rapports des experts de l’ONU (dont le rapport Mapping) peuvent être aussi consultés. Mais si nous évoquons le livre de Jean-Pierre Badidike et ses amis dans le contexte actuel, c’est parce qu’il traite de la redistribution des rôles entre les acteurs impliqués dans la guerre d’agression chez nous. Le rapport de la FIDH cite nommément « les acteurs apparents » et « les acteurs majeurs » n’y apparaissent pas.

Le 16 et le 24 février, une partie d’ « acteurs majeurs » a agi au grand jour. Il s’agit de la Monusco et des Ambassadeurs des pays Européens. La sortie de la Monusco a mis fin (momentanément) à la répression et ses membres ont évoqué le non-respect des libertés fondamentales et des droits de l’homme. Disons que si la Monusco voulait mettre fin au non-respect des libertés fondamentales et des droits de l’homme, elle y arriverait. Elle dispose de tous les rapports de ses experts et sait qui fait quoi. Traduire les criminels de guerre et les criminels contre l’humanité cités dans ses différents rapports devant le Tribunal Pénal International aurait constitué un signal fort pour notre pays.

Pourquoi n’arrive-t-elle pas à actionner les mécanismes juridiques contre ces criminels ? Instituer un Tribunal Pénal International pour le Congo serait une façon d’ouvrir une boîte de pandore : « les acteurs majeurs » restés dans l’ombre risquent d’être cités à comparaître. Aussi faut-il savoir que les multinationales impliquées dans la guerre d’agression contre notre pays ne répondent devant aucune juridiction à travers le monde. Mais il y a pire : « les acteurs majeurs » représentés par les Ambassadeurs Européens présents à Kinshasa participent à la lutte contre la démocratie dans leurs propres pays.

Dans les cercles restreints (Siècle, Bilderberg, Commission Trilatérale) où leurs chefs se rencontrent, ils parlent de plus en plus du retour au gouvernement représentatif selon les Pères fondateurs Américains : « Les fondateurs de la République américaine étaient profondément préoccupés de la question de savoir s’il était possible d’avoir en même temps un gouvernement démocratique et un système économique fondé sur la propriété individuelle. Comme James Madison l’expliquait, le plus grand danger pour une démocratie est que les citoyens s’organisent, se mobilisent, « s’instituent en factions » pour promouvoir la demande majoritaire de redistribution par rapport au droit à la propriété. » (Bernard Manin cité par C. DELOIRE et C. DUBOIS, Circus politicus, Paris, Albin Michel, 2012, p.37)

Lisons très bien cette citation : le retour au gouvernement représentatif en Occident selon les Pères fondateurs Américains est synonyme d’une lutte acharnée contre l’organisation et la mobilisation citoyenne. Dorénavant, plusieurs décisions sont prises par exemple au niveau du Conseil Européen sans que les parlements des pays concernés soient associés. La souveraineté politique et économique des ces pays en prend le coup. La Grèce n’a pas pu organiser un referendum populaire avant d’accepter les mesures d’austérité imposées par l’UE. A ce point nommé Circus politicus mérite d’être lu pour comprendre comment à Paris, à Bruxelles, au Luxembourg, à La Haye , à Genève, à Saint-Moritz, à San Francisco, etc. se mène une lutte pour la « neutralisation du suffrage universel par une superclasse invisible qui dispose des réseaux souterrains pour orienter la décision publique en contournant le suffrage universel. » (p.8)

Quand, après « des élections présidentielles et législatives volées » par « les gouvernants sortants » chez nous les Ambassadeurs Européens invitent Tshisekedi à se tourner vers l’avenir, ils obéissent à cette logique de la superclasse décidée à gouverner le monde sans l’avis des populations organisées et mobilisées comme un seul homme. Etablir le lien entre le cirque politique tel qu’il se mène en Europe et en Amérique et ses conséquences dans notre pays n’est pas évident. La pénétration des lieux de fabrication et de diffusion de l’idéologie dominante est l’un des préalables indispensables aux actions qui se veulent efficaces à court, moyen et long terme dans notre pays. Les minorités pensantes et organisées ont le devoir citoyen de ne pas déroger à cette exigence quelle que soit la longueur de la nuit dans laquelle notre pays est et sera plongée.

Répondre à cette exigence en permanence peut guérir de la haine de soi. Pour cause. Quand les réseaux souterrains de la superclasse susmentionnée ont fait leur boulot de neutralisation du suffrage universel, ils désignent, à travers leurs médias (dominants) quelques boucs émissaires sur lesquels les populations abusées peuvent verser leur colère. Souvent, les dictateurs ayant servi dans ces réseaux jouent ce rôle de boucs émissaires pourvu que « les acteurs majeurs » demeurent dans l’ombre. Quand ils ne diabolisent pas « leurs amis dictateurs », ils s’en prennent aux « patriotes-résistants ». Souvent, leur stratégie réussit parce que leurs médias sont les plus écoutés et/ou les plus lus.

Chez nous, ils ont utilisé un subterfuge très simple en soutenant que l’opposition a été battue à la présidentielle en 2012 parce qu’elle y est allée en ordre dispersé. A qui la faute ? A Tshisekedi. En 2006, l’opposition n’a pas gagné à l’élection présidentielle parce que l’UDPS n’y avait pas participé. A qui la faute ? A Tshisekedi. Ce discours officiel est accompagné d’un autre officieux : « En 2011, c’est Tshisekedi qui a gagné les élections. Mais nous ne pouvons pas travailler avec lui parce qu’il est imprévisible. » (Lire l’article D’Arnaud Zajtman intitulé Il est moins une à Kinshasa) Dès que le bouc émissaire est trouvé, le tour est joué et la colère des « bien pensants » se déverse sur lui. Dans l’ombre, « les acteurs majeurs » ricanent.

Ce bouc émissaire peut aussi être tout un peuple méprisé ou qui, à force d’être opprimé, en vient à se mépriser et cultiver de la haine à son propre endroit. Il s’accuse de tous les maux et/ou de tous les noms d’oiseaux. Cette haine ou ce mépris de soi peut le conduire aux solutions extrêmes, à la barbarie dont sont victimes ses bourreaux. Disons-le nous : « Un invariant semble être que pour parvenir à certains “actes” il est nécessaire que “l’autre”, l’ennemi, soit d’une forme d’humanité décrétée inférieure. Il n’est en réalité, nous le savons, qu’une seule civilisation et elle est humaine, dans sa complexité et ses noirceurs. La déconstruction de cette unicité d’évidence est le premier acte de toutes les guerres et la prémisse de toutes les horreurs qui se travestiront de l’argument de la culture, la religion ou la coutume de celui qui nous effraie avant même de nous menacer… »(Lire http://www.legrandsoir.info/pisser-sur-des-cadavres-vertige-dans-la-civilisation-troisieme-partie-fin.html)

Le monde est en train de basculer vers « un racisme de troisième génération » dont témoignent ceux et celles qui, avalisant des résultats électoraux neutralisant le suffrage universel chez nous, crient aussitôt après que « les Africains ne sont pas mûrs pour la démocratie».
Le souhait serait que toutes les actions efficaces que nous voulons mener soient fondées sur une approche assez approfondie de la marche actuelle du monde et de « ses véritables cercles » de pouvoir. Comprendre par exemple les stratégies de la superclasse mondiale et de ses réseaux, c’est déjà agir. Ces stratégies arment pour la lutte contre plusieurs libertés fondamentales et certains acquis sociaux. Une analyse attentive de la situation de notre pays peut nous permettre de conclure à une redistribution des rôles dans la mise en œuvre de ces stratégies entre la Monusco , les chancelleries occidentales et certains criminels de guerre et criminels contre l’humanité opérant au sein des certaines institutions du pays.

Mettre petit à petit sur pied chez nous des contre-réseaux – animés par des « intellectuels subversifs » de tout bord- avec des objectifs précis à réaliser à court, moyen et long terme finira par porter du fruit. La superclasse dont nous parlons travaille avec ses réseaux depuis plusieurs décennies. C’est peut-être cela qui fait sa force. Mais face aux contre-réseaux massifs, elle finira par négocier sa survie.

L’horizon de notre lutte populaire est d’arriver à renverser le système néolibéral soutenu par cette superclasse. Dieu merci ! Nous ne sommes pas seuls à la livrer.

INGETA.

REINVENTONS

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