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La date du 30 juin pour les Congolais : Au-delà des bilans, les perspectives pour l’avenir et les actions à développer

La date du 30 juin pour les Congolais : Au-delà des bilans, les perspectives pour l’avenir et les actions à développer

La date du 30 juin pour les Congolais : Au-delà des bilans, les perspectives pour l’avenir et les actions à développer IN

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu souligne comment, à travers les célébrations du 30 juin 2014 placées sous le sceau des forces armées congolais, le pouvoir fantôche de Kinshasa se moque des congolais, revient sur le contexte de l’indépendance du 30 juin 1960 et en dresse le bilan, 54 ans après. Et propose des pistes d’actions afin de rompre avec un processus initié par le pouvoir d’occupation et les acteurs majeurs au Congo.

Sur le 30 juin 2014 et l’hommage aux forces armées congolaises

Si on place aujourd’hui la célébration de cette indépendance sous le sceau des forces armées congolaises et de la police congolaise, cela soulève certaines questions.
De quels militaires parle-t-on au Congo, de quelle police parle-t-on au Congo quand nous savons que l’armée et la police sont infiltrées par des éléments extérieurs à notre pays.
Joseph Kabila et Lambert Mende avaient voulu nous convaincre à un certain moment que Bosco Ntangada, qui était général dans l’armée congolaise, un général congolais indispensable pour le retour de la paix à l’Est de notre pays. Or nous remarquons que, même sans partager toutes les orientations de la cour pénale internationale, Ntangada a été reconnu coupable de crimes de guerre et ses militaires ont participé au viol et à la destruction des vies des congolais et congolaises.
Beaucoup de nos compatriotes qui ont été tués par la police politique du pouvoir fantôche de Kinshasa l’ont été avec la complicité des forces armées dites congolaises et de la police gérée par un élément qui vient de l’extérieur du Congo et qui fut membre du RCD-Goma, parti qui a participé à la guerre de prédation et d’agression de la RD Congo.
Organiser un défilé sous le sceau des forces armées et de la police sans qu’il y ait eu une justice transitionnelle pouvant permettre que les victimes des massacres, viols, extorsions, attaques extra-judiciaires et des tueries puissent obtenir justice, c’est se moquer de la mémoire du peuple congolais.
Nous avons là encore une preuve palpable de la façon dont ce pouvoir fantôche de Kinshasa se moque de nos populations.
Enfin, ce ne sont pas les forces armées congolais qui ont été sur le devant de la scène pour mettre fin au M23 (Mouvement du 23 mars. Les enjeux avaient changé et les maîtres du jeu n’avaient aucun intérêt à voir se poursuivre la guerre dans l’est du Congo dans l’intensité qui était la sienne à ce moment là. Ne nous leurrons pas, la guerre se poursuit.

Sur le contexte et les conditions de l’indépendance du Congo en 1960

Il faut replacer l’indépendance du Congo et des pays africains dans le contexte des années 1960. Certaines pressions pour que les pays africains puissent devenir indépendants ont été exercées de l’extérieur. Au Congo, il y a eu, par exemple, des forces extérieures qui ont contrecarré les actions de Léopold II et de la Belgique chez nous. N’oubliez pas que les Usa qui n’avaient pas eu de colonies, avaient soif de pouvoir et se positionnaient de manière utile dans certains pays africains et asiatiques. Ils avaient donc intérêt à soutenir, ne fut-ce que de manière maligne, les mouvements d’émancipation politique. Il ne faut pas non oublier que les leaders africains qui ont travaillé à l’avènement des indépendances africaines avaient connu ou lu des textes sur des grandes révolutions du 18ème et 19ème siècle. Quand vous prenez tout cela en compte, vous comprenez pourquoi les compatriotes congolais et africains de la trempe de Lumumba, Nasser, Sekou Touré, et tous les intellectuels qui militaient pour les indépendances africaines comme Frantz Fanon, avaient adopté un certain ton qui tendait à internationaliser les luttes inspirées, de près ou de loin, par la pensée marxiste-léniniste. Mais quand on oublie ce contexte là, on fait croire aux gens que les Africains n’étaient pas bien préparés pour pouvoir accéder à leurs indépendances politiques.
Pour le Congo, au moment où nous devenons indépendants. Il y a des hypothèques qui pèsent sur notre indépendance. On a l’indépendance politique mais on ne gère pas l’économie, on ne gère pas l’administration, on ne gère pas l’armée. S’il y avait eu un passage de témoins aux autochtones dans ces domaines, nous nous serions débrouillés comme nous aurions pu et les choses auraient certainement pris une autre tournure.
Le problème fondamental est que les forces coloniales et impérialistes qui ont fait croire qu’ils pouvaient accepter que nos pays deviennent indépendants ont repris de la main gauche ce qu’ils avaient donné de la main droite.
Il y a la responsabilité des compatriotes africains et congolais d’une part, et la responsabilité de la coalition des forces capitalistes qui considéraient l’Afrique comme un réservoir de matières premières. Pour les américains, le Congo était un intérêt permanent pour eux et qu’il était inconcevable de lâcher ce pays.

Sur le bilan des 54 ans du Congo

Pour que nous puissions être sûrs d’être réellement indépendants, nous devons nous poser ne fut-ce que 3 questions:
– Qui dirige notre armée, nos forces de sécurité et notre police ? Sont-ce des compatriotes qui rendent en permanence des comptes de leur gestion à nos populations ou des négriers des temps modernes placés à la tête de la défense et des services de sécurité par les forces extérieures?
– Qui gère notre économie ? Sont-ce des congolais et des congolaises élus par nos populations et qui font une reddition permanente des comptes à nos populations ou des forces imposées de l’extérieur qui ont fait de notre économie et de notre économie politique, une affaire d’extraversion ?
– Qui gère et dirige notre culture, à travers l’école, l’université, l’église, la famille et les médias ? Est-ce que nous avons la maîtrise de notre culture comme lieu de la réhabilitation de notre initiative historique, comme lieu de la création d’un imaginaire alternatif, ou est-ce que cette culture nous échappe et est utilisée comme moyen d’abrutissement, d’assujettissement de nos populations ?
Si nous procédons par ces petites questions autour de ces 3 domaines, la défense, l’économie et la culture et que nous nous rendons compte que ces domaines sont gérés en tout et pour tout par les congolais et de manière souveraine, nous pouvons dire que nous sommes réellement indépendants et que le bilan est positif.
Mais il n’en est rien. Notre économie est dominée par les programmes d’ajustements structurels, dictés jusqu’à ce jour à notre pays, par la banque mondiale et le FMI, qui sont au service des forces néolibérales, les forces d’assujettissement et d’avilissement de nos populations.
Le jour où nous serons passés d’un Etat occupé, néolibéral, néocolonial, dominé par les forces extérieures à un Etat national, géré de manière souveraine, économiquement, politiquement, culturellement, spirituellement et religieusement, alors en tant que sujets historiques, nous pourrons effectivement croire que nous sommes indépendants.

Sur les perspectives d’avenir du Congo

On ne peut même pas dire que la RD Congo est mal partie. La RD Congo n’est même pas encore partie. Nous avons un problème de direction, qui n’est pas résolu. Mais il n’y a pas lieu d’être pessimiste. Il y a des congolais debout. Vous avez aujourd’hui à travers le monde et même au Congo, des compatriotes qui, petit à petit, réveillent leurs mémoires, prennent conscience qu’un autre Congo est possible et s’organisent. Il y a lieu d’espérer pour le Congo. A condition qu’une grande synergie, des grands réseaux se créent entre le travail qui se fait à l’extérieur du Congo et celui qui est en train de se faire à l’intérieur du Congo.

Sur les forces du changement et les actions à développer

Après les élections truquées de 2011, il y a eu un président d’un parti politique qui est allé à la cour suprême pour présenter sa requête et s’est rendu compte que cette cour était une cour au service du pouvoir fantôche de Kinshasa. Qu’est-ce qui a changé dans l’entre-temps pour qu’aujourd’hui, on puisse croire que pour résoudre le problème de légitimité au Congo, il faille aller traduire le président de la CENI, apollinaire Malu Malu devant ces cours et tribunaux que nous reconnaissons être au service du pouvoir fantôche de Kinshasa ?
Cela prouve ceci : certaines forces de changement seraient à bout d’imagination et de créativité. Elles auraient besoin de se recycler pour trouver d’autres moyens de pouvoir résoudre la question de la légitimité en RDC. Pourquoi ne peuvent-elles pas s’engager sur d’autres sentiers que celui de ce processus électoral vicié et vicieux ?
Ne serait-il pas plus utile de se regrouper autour d’autres défis, d’autres questions urgentes de l’heure et voir comment en tant que forces sociales et politiques, nous pouvons nous organiser, créer nos banques, créer de l’argent et ainsi devenir mettre de notre économie.
Les forces du changement pourraient chercher à créer des forces de sécurité efficaces. Dans un pays sous occupation, vous ne pouvez pas compter sur les services de sécurité contrôlée par les occupants. Il ne faut pas attendre quand elles seront aux affaires pour pouvoir penser à tout cela.
Il faut également travailler à la production d’une autre culture. Nos compatriotes sont abrutis par les films qui viennent de l’Ouest de l’Afrique et par une certaine musique indécente. Il est important que les forces du changement comprennent qu’elles peuvent recréer la culture. Parce que la culture peut-être la voie de la recréation de l’imaginaire…
Si nous travaillons sur ces trois points et que nos masses populaires y participent, dans quelques années, les choses peuvent changer en profondeur. Et cela permettra de rompre avec un processus initié par un pouvoir d’occupation.

Sur le Cardinal Malula et sa pensée

Cela fait 25 ans que le cardinal Malula est retourné dans la maison du père. Il avait initié un mouvement qui, en 1956, a produit le manifeste de la conscience congolaise. Il a, ainsi, été l’initiateur d’un leadership collectif. Il était un intellectuel, autodidacte et avait créé une semaine de l’intellectuel congolais. Il avait aussi beaucoup travaillé à la mise en place de communautés ecclésiales de base comme lieu de l’éclosion d’une Eglise qui contribue à l’avènement d’une société libre, juste et fraternelle. Aujourd’hui, nous avons encore besoin d’hommes et de femmes d’Eglise, ou des compatriotes qui aiment seulement leur pays qui comprennent qu’il est temps de créer des lieux de rencontres, des lieux du savoir et de la pensée pour faire renaître une connaissance qui éveille les consciences et aide notre population à se mettre debout.
Le Cardinal Malula voulait que l’Eglise soit le fait, pas seulement des clercs mais des clercs et des Chrétiens qui se rencontrent dans des communautés à taille humaine pour penser leur foi, prier mais aussi pour travailler ensemble afin de mettre le pays debout. Aujourd’hui encore, c’est au niveau de ces petits espaces, organisés à la base de notre pays, que se situe l’enjeu. Si ce travail est bien coordonné, il y a lieu de faire de nos masses populaires, les démiurges de leurs destinées à partir de ces communautés ecclésiales vivantes de base.
Aujourd’hui si nous voulons que la RD Congo aille de l’avant, nous avons aussi tout intérêt à créer des lieux de la pensée mais aussi à apprendre des autres, comme aimait le faire le Cardinal.


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