Par Jean-Pierre Mbelu
A un certain moment, la tentation de se demander si une bonne partie de forces sociopolitiques congolaise ne serait pas dépourvue d’une bonne culture intellectuelle et politique devient très forte au vu de certaines de ses orientations. Elle dit qu’elle a des ‘’carnets d’adresses’’. Elle est habituée aux ambassadeurs des pays du Nord dont les entreprises multinationales mènent des actions mortifères dans son pays. La moindre des choses serait de leur demander ‘’un dialogue’’, de leur proposer ‘’un débat’’ pouvant aider leurs Etats (profonds) respectifs à refonder le commerce des matières premières sur des principes respectueux de notre commune humanité. Au lieu de cela, elle croit qu’il y a une question de légitimité politique sur laquelle elle veut dialogue avec un ‘’cheval de Troie’’ du ‘’nègre de service’’ de ‘’ces entreprises mortifères’’. Et elle dit que fait de ‘’la politique’’ ! C’est douteux !
Il est temps qu’une bataille des idées se fasse davantage sans peur de ce que diront ‘’les coteries’’. Il y a va d’une responsabilité collective face aux générations congolaises futures. Cette bataille risque d’être dorénavant très âpre. Il faut arrêter de passer à côté des enjeux réels au nom d’un activisme politique éculé. La crise de légitimité ne date pas des élections de 2011. Mais de l’assassinat de Lumumba le 17 janvier 1961 par ‘’les partenaires extérieurs’’ avec ‘’la complicité ‘’ des ‘’nègres de service’’ …
Si les forces sociopolitiques congolaises avaient suffisamment de courage, de patriotisme, les moyens culturels et intellectuels de leur politique, elles agiraient autrement. Elles ont des entrées faciles dans les ambassades. La documentation sur la guerre de basse intensité et de prédation menée contre le Congo-Kinshasa les pousseraient à aller tout droit au but. Elles diraient clairement aux ambassadeurs des pays ayant orchestré cette guerre que c’est avec leurs représentations officielles que le véritable dialogue doit être mené.
Elles demanderaient que certains représentants des conseils d’administration des multinationales citées dans plusieurs rapports des experts de l’ONU participent aussi à ce dialogue. L’objet du dialogue serait le suivait : organiser le commerce international des matières premières stratégiques du Congo-Kinshasa sans tuer les Congolais(es) en édictant des lois ou des principes respectueux de la commune humanité des populations congolaises et de celles des pays bénéficiant des bienfaits de la transformation de ces matières premières.
Les entreprises mortifères du Nord et le pillage du Sud
En dehors des appétits gloutons des acteurs majeurs du réseau transnational de prédation et de leurs proxies, ce qu’il faut au Congo-Kinshasa comme à plusieurs pays du Sud c’est de dire « Stop à ces entreprises mortifères » comme 71 Evêques du monde entier viennent de l’exprimer dans un texte soutenant que « l’extraction et la transformation de ressources naturelles au Sud financent de graves violations des Droits de l’homme. En les commercialisant, des entreprises européennes sont complices. (Une) situation intolérable à laquelle de l’Union européenne doit s’attaquer. [1]»
Faut-il vraiment, au jour d’aujourd’hui, être un grand clerc pour comprendre que les entreprises multinationales du Nord fabrique la mort au Sud et que c’est le Nord qui doit prioritairement mettre fin à cette entreprise mortifère ? Le Nord, depuis la révolution industrielle, décime le Sud avec ses armes à feu pour mieux le piller. Comment est-il possible que 71 Evêques du monde entier arrivent à maîtriser une question que les forces sociopolitiques congolaises éludent en prétendant que la solution à la crise de légitimité que connaît le Congo-Kinshasa viendra de leur dialogue avec ‘’le cheval de Troie’’ du ‘’nègre de service’’ des ‘’partenaires hypocrites’’ du Nord ?
Si les forces sociopolitiques du Congo-Kinshasa lisaient et s’informer, elles auraient su en lisant Raf Custers que les patrons allemands tenaient à s’assurer de faire main basse sur les matières stratégiques de leur pays vers mars 2006 en ayant recours à tous les moyens[2]. Ils n’excluaient pas le recours aux moyens militaires et au remplacement de l’ancienne élite politique par une nouvelle (beaucoup plus docile). Si les forces sociopolitiques du Congo-Kinshasa lisaient et s’informer aux bonnes sources, elles sauraient que c’est fort de toutes ces informations que Charles Onana à indiquer la responsabilité de l’Europe dans ce qui se passe dans leur pays depuis que ‘’le cheval de Troie’’ du ‘’nègre de service’’ de l’Europe et de son surgeon américain prétend être ‘’le président ‘’ de leur pays.
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Faut-il vraiment, au jour d’aujourd’hui, être un grand clerc pour comprendre que les entreprises multinationales du Nord fabrique la mort au Sud et que c’est le Nord qui doit prioritairement mettre fin à cette entreprise mortifère ? Le Nord, depuis la révolution industrielle, décime le Sud avec ses armes à feu pour mieux le piller.
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Il y a bientôt deux ans que Charles Onana a publié ‘’Europe, crimes et censure au Congo. Les documents qui accusent’’. Depuis deux ans, à notre connaissance, aucune autorité européenne n’a cité Charles Onana en justice ou remis en question les thèses contenues dans son livre. Et quand, deux ans après, 71 Evêques du monde entier viennent dire : « Stop à ces entreprises mortifères » du Nord, ils mettent de l’eau dans son vin et de celui de tous ces ‘’intellectuels subversifs’’ congolais croyant dur comme fer dans la responsabilité première de ‘’l’impérialisme intelligent’’, orientation stratégique du surgeon américain de l’UE.
Le combat des idées
De tout ce qui précède, nous estimons que si les forces sociopolitiques du Congo-Kinshasa continuent à mener leur activisme sans une permanente référence aux documents bien sourcés sur leur histoire immédiate, elles risquent de n’être vues que comme des agents du statu quo, beaucoup plus préoccupées par ‘’leur image’’ auprès de ce qu’elles nomment abusivement des ‘’partenaires extérieurs’’ que par ‘’la cause réelle’’ de leur pays, de la région des Grands Lacs africains et de toute l’Afrique. Elles ont intérêt à travailler avec des think tanks comme font ‘’leurs partenaires extérieurs’’ au lieu de mener un activisme sous-info-formé. A moins qu’elles n’aient comme horizon que de devenir, elles aussi, les sous-fifres, des entreprises mortifères du Nord. Mais ‘’Rome ne paie pas pour très longtemps les traitres… ‘’
Au rythme où vont les choses, elles vont finir par rencontrer des forces sociopolitiques alternatives sur leur route. Et la lutte des idées risque d’être âpres et de les éclabousser. De toutes les façons, cette lutte a déjà commencé et elle durera le temps qu’elle durera. Sans une bataille des idées conséquentes pour un grand Congo, les générations futures risquent d’être desservies en culture intellectuelle et politique ; la réécriture de l’histoire de ce pays à la Lumumba risque de piétiner. Or, Lumumba a défié les générations congolaises héritières de sa lutte. Contre vents et marées, les ‘’intellectuels subversifs’’ Congolais se doivent donc de poursuivre le relèvement de ce défi. Sans orgueil. Avec beaucoup de modestie, de détermination et beaucoup de courage.