Le Grand Inga, un projet à la dimension du continent
Le Grand Inga permettra d’exporter rapidement 20000 MW, dont 6000 vers le Nigéria, 4500 vers l’Afrique australe et près de 10000 MW vers le groupe Tchad-Soudan-Egypte, avec quasiment les 2/3 pour ce dernier pays. L’ouvrage a de quoi impressionner. Même les ingénieurs chinois blasés par la présence en leur pays de l’immense barrage hydroélectrique des Trois Gorges, s’inclinent devant le gigantisme du projet.
Si d’aucuns ont raillé l’incapacité de l’Afrique, un continent accablé par toutes sortes de maux, à conduire à son terme un projet de cette envergure, les spécialiste eux, rassurent. Les retards enregistrés dans la réalisation de ce projet conçu dans les années 80 tenaient essentiellement à des contingences liées à l’instabilité politique du pays.
De fait, assurent-t-ils, le projet du Grand Inga est à la fois réaliste et rentable. Il s’agit simplement d’élever le plus grand barrage hydroélectrique du monde en République démocratique du Congo, avec un rendement prévisionnel en énergie estimé à 39000 mégawatts grâce à l’installation progressive de 52 groupes de 750 MW chacun. Les ouvrages de génie civil seront entièrement construits d’un coup, mais les équipements électromécaniques seront installés, au fur et à mesure de l’évolution de la demande.
500 millions de foyers
L’énergie attendue représente le tiers de toute l’électricité produite actuellement sur le continent noir où le taux d’accès des populations à l’électricité varie de 10 à 30%. Le projet Grand Inga pourrait donc apporter une évolution décisive, en alimentant quelques 500 millions de foyers. En outre, cet immense chantier énergétique résorberait la pénurie énergétique d’Afrique du Sud, alimenterait la Namibie au passage, apporterait un appoint décisif à l’Egypte et au Nigéria, et surtout soutiendra l’industrialisation du de la RDC, notamment dans le secteur minier. De fait des instances telles que la Communauté de Développement d’Afrique Australe (SADC), le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) et le Conseil Mondial de l’Energie (CME) ou encore le pool énergétique de l’Afrique centrale, considèrent que c’est un projet prioritaire pour le continent.
Un prix de revient très compétitif
Le principal atout du projet, soulignent les experts, c’est justement qu’il produira de l’énergie propre et bon marché. Pour ses concepteurs, ce projet est une aubaine, tant pour le pays hôte que pour les potentiels clients. Par exemple, le prix de revient de l’électricité produite serait inférieur à 0,015 USD/kWh, ce qui rend sa commercialisation compétitive sur des longues distances donc, en Afrique du Sud, au Nigeria et même en Egypte. D’autre part, une fois mis en place, le projet Inga aura une production électrique constante, car quel qu’il soit, le débit du fleuve qui varie de quelque 25 000 à 75 000 m3/s permettra aux turbines de tourner à un régime constant. Enfin, explique cet expert, l’autre avantage est que l’équipement du site, ainsi que les investissements, peuvent se faire progressivement : « Les ouvrages de génie civil y sont relativement modestes: en effet pour retirer une production annuelle de 1 million de kWh, on ne devrait mobiliser que 52 m3 de béton (ou équivalent) alors que sur les meilleurs sites mondiaux on atteint 250 à 1 000 m3. Il en résulte un coût d’investissement très bas, de 340 à 700 USD/kW selon le stade d’équipement », analyse le Bureau d’Etudes Industrielles Energies Renouvelables et Environnement.
Les autoroutes de l’énergie
Autant que le gigantisme du barrage et de ses centrales, le réseau de transport projeté est tout aussi impressionnant : il est prévu la construction de près de 15 000 km de lignes de transport d’énergie à très haute tension (THT), dénommés « Autoroutes de l’électricité au départ du site d’Inga », pour alimenter les pays clients : selon les étude menées par la banque africaine de développement qui finance les études de faisabilité, la liaison « THT » RD Congo-Egypte longue de 5300 km avec une tension de 800 kV en courant continu couterait 5,7 milliards USD permettant au passage d’alimenter le Soudan, la République centrafricaine et le Tchad. Quant à la liaison « THT » de 1400 km entre la RDC et le Nigéria, via le Congo, le Gabon et le Cameroun, elle fait l’objet d’un accord entre le Lagos et Kinshasa, avant même la construction du barrage. La liaison RD CONGO-Zambie-Zimbabwe-Afrique du Sud, longue de 3676 km fera simplement l’objet d’un renforcement, car des lignes de transport existent déjà, tout comme pour la liaison RD Congo-Angola-Namibie-Afrique du Sud longue de 2734 km de ligne à 800 kV avec une capacité de transit de 3500 MW.
Rentabilité importante
C’est assurément son grand potentiel de rentabilité qui motive l’intérêt de nombreuses structures (Banque mondiale, Banque africaine de développement, Banque européenne d’investissement, Union européenne, banque privée occidentales, organismes régionaux) pour le financement de ce projet qui va mobiliser 80 milliards de dollars au bas mot.
Preuve de l’intérêt croissant du projet, il y a deux ans, un atelier international de haut niveau s’est réuni à Londres pour examiner les modalités de financement du projet.
Ce conclave a enregistré la présence de près de 80 participants de haut niveau, dont des ministres et de hauts responsables gouvernementaux, des sociétés d’électricité, des grandes sociétés d’énergie, des fournisseurs, des développeurs de projet, des institutions financières, de grands groupes de consommateurs et des représentants de la société civile, sous l’égide du Conseil mondial de l’énergie.
Si un plan de financement définitif n’en n’est pas sorti, l’unanimité a définitivement été faite sur l’opportunité du projet, son financement n’étant plus suspendu qu’à la finalisation des études de faisabilité. Reste à savoir si les grands projets solaires envisagés dans le Maghreb ne vont pas rogner le marché de ce projet pharaonique.