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Rencontre de Luanda, révision de la constitution et Diomi Ndongala: Il faut faire face à la mort organisée contre les congolais

Rencontre de Luanda, révision de la constitution et Diomi Ndongala: Il faut faire face à la mort organisée contre les congolais

Rencontre de Luanda, révision de la constitution et Diomi Ndongala: Il faut faire face à la mort organisée contre les congolais IN

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu montre en quoi le débat sur la révision de la « constitution congolaise » est une distraction, rappelle comment, à chaque fois qu’un enjeu sérieux doit être résolu au Congo par le trio Kagamé, Museveni et Kabila, on crée une distraction. Il décrypte également la guerre qui est menée contre les populations congolaises par le biais des nègres de service et des institutions internationales et incite les congolais à davantage réfléchir et travailler sur la direction, sur la vision, sur le modèle de société que nous voulons demain.

Sur la révision de la constitution

Nous sommes en train d’être distraits par un débat qui est faux. Certains compatriotes ont vite oublié que cette constitution, même si elle a été soumise au référendum, n’a pas été que le produit des congolais. C’est une constitution fabriquée ailleurs. Pourquoi cette constitution a été fabriquée ailleurs ?
Depuis la guerre de l’AFDL, la RD Congo est engagée dans un processus basé sur un mensonge éhonté. Depuis quelques années les membres du FPR ayant travaillé avec Kagamé ne cessent de travailler à fissurer ce mur de mensonges. Or la classe politique congolaise travaille avec une amnésie qui ne dit pas son nom. Les congolais doivent travailler à une véritable réécriture de l’histoire.
Ainsi le débat sur la révision d’une constitution qui n’a jamais été conçu par les congolais pour les congolais est faux.
Il y a une question sérieuse de reprise de l’initiative historique mais aussi, de la part de ceux que nous estimons aujourd’hui être des acteurs politiques, une question fondamentale de formation éthique et politique. Si ces questions ne sont pas abordées, le Congo va aller dans le mur.
Il est peut-être temps que les acteurs politiques et les acteurs de la société civile congolaise puissent se ressaisir et penser que c’est urgent qu’ils réécrivent leur histoire en essayant de mettre en parenthèses ces mensonges et faussetés qui ont été hourdis, à partir de Kampala et de Kigali, et dans lesquels le pays est en train de se vautrer aujourd’hui.

Sur le rôle de la CENI et de son président Malu Malu

Comment voulez-vous qu’un monsieur qui fait partie du réseau qui a orchestré tous ces mensonges et faussetés puisse travailler à en faire sortir le pays ?
Il y a un travail de longue haleine à faire : celui de repenser, sérieusement et en des termes très clairs, les objectifs poursuivis par la guerre de l’AFDL. On ne peut pas refonder un Etat digne de ce nom sur des mensonges, sur du sable mouvant.
Kabila et son équipe ont tout faux. Et ceux qui sont en train de les rejoindre pour créer un débat sur la feuille de choux qu’on appelle « constitution », un débat sur une présidentielle qui a été usurpée par un candidat sans légitimité, mais un gangster de grand chemin.
Tout ce qui se fait actuellement en Afrique centrale et au Congo, c’est du blabla. Et c’est lié au fait que plusieurs de ceux que nous pensons être des acteurs politiques au Congo ont rompu avec l’étude et l’approfondissement de notre histoire collective.
La conscience historique a déserté les milieux politiques congolais mais aussi les milieux de la société civile congolaise pour une large part.

Sur les populations congolais face aux enjeux électoraux

Les populations congolaises sont malmenées à partir de l’extérieur parce qu’elles sont catégorisées comme étant souverainistes. C’est-à-dire que les majorités congolaises, quand elles sont bien préparées, bien formées, bien informées sur les enjeux de leur pays, optent toujours pour les leurs pouvant les aider à sortir du bourbier et surtout à rompre avec la crise de la légitimité dans laquelle notre pays est plongé depuis les années 1960.
Ces majorités congolaises étant soupçonnées d’être patriotes, d’être souverainistes, d’être chauvines, sont malmenées par les maîtres du monde avec leurs nègres de service.
Lorsqu’on se réfère à l’histoire, nous nous rendons compte que nos populations ont su opérer des choix allant dans le sens de la sauvegarde de la souveraineté du Congo. Mais malheureusement, les rapports de force ont souvent joué à leur encontre. Il n’y a pas que le renversement de leurs élus au suffrage universel qui peut être pris en considération, il y a aussi tous ces programmes d’ajustements structurels qui leur ont été imposés pour pouvoir casser dans leurs cœurs et dans leurs têtes toute velléité de résistance. Mais les majorités congolaises ont une telle capacité de rebondissement que ces programmes des institutions internationales n’ont pas réussi à casser le ressort de la résistance et de la lutte dans les cœurs et les têtes de plusieurs compatriotes.

Sur la classe politique congolaise

Il y a quelque chose de positif dans le travail que fait « sauvons le Congo » de Martin Fayulu. C’est le fait que ces politiciens aient compris qu’ils doivent se mettre ensemble.
Mais l’histoire du Congo ne commence pas avec la constitution de 2006. La question de la légitimité politique se pose depuis que Lumumba a été assassiné.
Ceux qui sont aux commandes au Congo aujourd’hui, et restent tapis dans l’ombre, pour faire jouer les rôles de premier plan à leurs nègres de service, essaient de tout manipuler pour que le pays ne puisse pas sortir de cette crise de légitimité.
Mais nous, congolais, avons aussi une part considérable dans cette descente aux enfers du Congo. Nous devrions travailler davantage avec nos masses populaires, pour les mettre de plus en plus ensemble et créer petit à petit une masse critique. Si cette fameuse classe politique essaie de comprendre que la crise de légitimité date des années 1960 et que pour renverser les rapports de force, nous avons besoin d’une masse critique, bien préparée, bien éduquée, bien formée, bien informée, et une masse qui peut avoir une intelligentsia organique et responsable qui a une vision, petit à petit, peut-être à moyen terme, le Congo pourrait se tirer d’affaire.

Sur la rencontre de Luanda des chefs d’Etat de la région en Angola (25 mars 2014)

Pendant que les congolais sont distraits avec le débat sur la révision de la constitution, Kagame et Museveni se plaignent. Ils demandent à Kabila de pouvoir tout faire pour récupérer les membres du M23 qui commencent à peser sur leurs pays. Quand vous relisez posément, froidement, l’histoire de la RDC de ces 20 dernières années, vous remarquez que chaque fois qu’il y a un problème sérieux qui doit être résolu à huis clos, on crée une distraction. Ainsi, aucun débat n’a été fait, dans les milieux politiques congolais, sur cette récupération des membres du M23 qui sont en Ouganda et au Rwanda. Or nous savons que plusieurs de ces membres appartiennent aux armées de l’Ouganda et du Rwanda.
Cela signifie que Kabila accepte de récupérer les membres des armées régulières de l’Ouganda et du Rwanda, comme il l’a déjà fait, par le passé, avec les infiltrés du RCD et du CNDP pour pouvoir mater les populations congolaises.
Souvent d’ailleurs, les huis-clos de ces gens sont suivis de massacres dans notre pays.
Tant que nous ne comprendrons pas que Museveni, Kagamé, Kabila travaillent main dans la main et que leur conquête de l’Afrique des Grands Lacs est fondée sur les mensonges, les massacres et la mort, nous ne pourrons pas réécrire convenablement l’histoire de cette région.

Sur la condamnation de Ndongala à 10 ans de prison

Il n’y a pas de politique au Congo. Il y a une mort organisée contre les congolais. Au même moment que ces messieurs sont allés travailler en Angola pour récupérer les assassins et les violeurs du M23 qui sont en Ouganda et au Rwanda (pour les ramener au Congo), on condamne dans une parodie de justice un digne fils du Congo pour pouvoir le tuer, physiquement et politiquement.
Nous avons là l’exemple de la guerre multiforme qui est menée contre les populations congolaises. Diomi résume en lui ce qui est fait aux populations congolaises, et pour la plupart aux populations congolaises silencieuses. Diomi Ndongala nous en parlons parce qu’il est acteur politique. Mais nos populations qui sont tuées sans procès aujourd’hui au Congo, ce sont des masses énormes !
S’il avait une véritable liberté d’expression chez nous, s’il y avait des médias réellement libres chez nous, s’il y avait une véritable liberté de mouvement et que les autres Diomi de province se lèvent pour parler, ces messieurs là fuiraient le Congo du jour au lendemain. Mais justement, ce qu’on fait à Diomi, c’est pour dire aux autres Diomi : « Attention, voyez ce qui peut vous arriver si vous continuez à croire que le Congo vous appartient. »

Sur l’identification des acteurs de la communauté internationale

Certains congolais ont tendance à aller vers ceux qui ont plongé le Congo dans le chaos où il se retrouve aujourd’hui. Pour plusieurs d’entre nous, nous avons un réel problème d’acteurs mais aussi d’identification d’alliés. Tous les membres de la communauté internationale ne sont pas nécessairement les alliés des patriotes et résistants congolais.
Nous devons apprendre à identifier les véritables acteurs tout en comptant un peu plus sur nous-mêmes. Le complot est tellement international que si nous ne comptons pas sur nous-mêmes prioritairement, nous risquons de faire fausse route.

Sur le modèle de société à mettre en place

Le pays est tombé si bas. Aujourd’hui au Congo, c’est le règne des imposteurs, de gens qui ont perdu la tête, qui ont perdu l’être. Nous avons des compatriotes qui, pour avoir amassé un peu de sous, ont cru qu’ils pouvaient exercer n’importe quelle profession et avoir accès à n’importe quel diplôme. Et c’est trop dommageable pour l’avenir du pays. Heureusement que le Congo a encore beaucoup de ses filles et fils en dehors du pays et au pays, qui sont conscients des limites à l’usurpation et à l’imposture. Mais il y a cette inversion des valeurs, qui fait qu’aujourd’hui, plusieurs d’entre nous causent beaucoup plus sur ce qu’ils ont que sur ce qu’ils sont. Il y a l’avoir qui passe de plus en plus avant l’être.
Nous avons un problème sérieux de révolution en profondeur à faire, mais aussi et surtout du point de vue de la connaissance, de la pensée, et du point de vue culturel. Quel est le modèle de société que nous voulons pour nous, pour nos enfants, demain ? Quelles seraient les fondations politiques, culturelles et sociales de notre société de demain ?
Souvent nous ne faisons que copier les modèles qui nous sont vantés et qui viennent d’ailleurs, le temps est peut-être venu de pouvoir réfléchir posément sur la direction, sur la vision, sur le modèle de société que nous voulons demain.
Il y a un travail de rééducation, de reformatage qui devra être fait dans le chef de presque tous les congolais.
Il faut reconstruire l’homme congolais et la femme congolaise de l’intérieur, lui redonner son être.

INGETA.

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