Par Oscar Mpoyi. Article extrait de son livre “Les combattants et le nouveau Congo”.
La nécessité de donner un sens aux tueries barbares, violences sexuelles et toutes formes de douleur et crimes infligés aux populations congolaises, ou du moins, de faire que ces atrocités ne soient pas mises dans les oubliettes de l’histoire est à la base de mon acharnement à faire cet appel à la résistance et à l’engagement.
Devoir de mémoire
L’histoire montre que les blessures du passé, lorsqu’elles ne sont pas assumées, ne tardent pas à refaire surface. Dans le cas de Congolais, comment assumer à la fois un passé de génocide car il s’agit d’une histoire de plus de 8 millions des morts et un présent caractérisé par l’intolérance et les violences les plus macabres faites aux femmes, aux enfants et à ceux qui se lèvent pour défendre la dignité de ce peuple en désarroi ?
Face à ce passé macabre, au présent malheureux et à l’avenir incertain, il sied de s’interroger : comment est-il possible que, si instruits que nous fussions des différentes tragédies, massacres vécus par les Congolaises et Congolais dans leur passé, nous n’ayons pas pu prévenir le génocide estimé à plus de 8 millions de morts dans l’univers présent des Congolaises et Congolais !
Oui, génocide, ce mot qui nous renvoie directement au triste passé de l’extermination de six millions de Juifs par l’Allemagne nazie. Quoique différents auteurs sur cette question, considère ce Shoah comme un phénomène par essence unique et incomparable de part l’identité de la victime en l’occurrence « les juifs », l’histoire du génocide congolaise, mis en relation et en comparaison, mérite autant de considération car, il s’agit d’une histoire tragique de plus de 8 millions de morts tués presque dans les mêmes conditions que les juifs.
Peuple Congolais, nous avons l’obligation de nous souvenir de différentes victimes de cette barbarie. De Kimbangu, Bakanja, Lumumba, Muziriwa, Chebeya, Tungulu, Lukusa, les martyrs du 16 février 1992 et de millions d’autres qui sont tombés dans les geôles du bourreau, loin de nos regards humains, ils reposent dans le firmament le plus profond de notre histoire, les yeux braqués sur nous, ils espèrent que leur mémoire soit honoré un jour car, ils ne sont pas morts pour rien.
Peuple Congolais, il est de notre devoir entant que rescapés de ces tueries, violences, de rendre témoignage de cette mémoire car comme disait Nietzsche : « l’homme de l’avenir est celui qui a la mémoire la plus longue », et ceux qui oublie le passé sont condamnés à le répéter.
Le pari de l’engagement
La République Démocratique du Congo a largement et chèrement payé, comme peu d’autres avant elle, son tribut à quelques-uns des plus grands maux de cette humanité qui porte parfois si mal son nom : la cupidité, la convoitise, la haine ou la soif de vengeance. Les populations congolaises sont victimes depuis des décennies d’agressions, de violences, des dictatures allant de ses pires expressions dont la répression, les massacres, l’intolérance, l’absence de justice, à la privation de dignité humaine et à l’exclusion aux biens de premières nécessités.
Depuis 1885, année de la création de l’Etat indépendant du Congo jusqu’au triste avènement du régime de l’Alliance des forces démocratique pour la libération du Congo en 1997 et sa suite, le peuple Congolais a été suffisamment fragilisé par les régimes autocratiques qui se sont succédé. Ecarté de tous les échanges susceptibles de l’aider à se construire et à réinventer son devenir, le Congolais s’est vu contraint de se créer des stratégies de survie individuelle pour faire face aux aléas de son existence. Chaque Congolais essaye ainsi de s’ajuster face aux contraintes ou bricoler sa solution individuelle à partir des éléments épars dont il dispose de part sa position au sein de la société congolaise. A ce jeu de sauve qui peut, la perte de repère, l’absence de dignité et l’effritement du sentiment de fierté nationale se sont accentués laissant ainsi aux gouvernants féroces un terrain libre et fertile qu’ils dépouilleront de fond en comble sous la terreur d’une dictature la plus horrible de notre histoire. Laissant ainsi une terre couverte de sang et une population chosifiée, sans humanité ni supports d’assurage !
De manière peu visible, souterraine parfois, les populations congolaises tant de l’intérieur que de la diaspora semblent développer de nouvelles formes d’action, plus modestes, ancrées dans des espaces de proximité et vécues souvent sur un mode plus expressif que par le passé. Facilitées par l’outil virtuel et « le printemps arabe », ces actions des acteurs de la société civile, des synergies des politiques acquises au changement, de combattants et des résistants, paraissent avoir un dénominateur commun : « reconquérir la dignité et mettre les jalons pour la construction d’un Etat de droit, un socle du développement où chacun aura sa place ».
Ces espaces participent à la conscientisation des Congolais et à éveiller leur sens de responsabilité face à un avenir commun, car personne d’autre ne viendra faire leur bonheur, c’est à eux seuls de se battre, d’honorer la mémoire de ceux qui sont péris sous le joug de la dictature et de leur indifférence dans le but d’apporter le changement tant attendu et rendre au peuple sa dignité.
Oscar MPOYI
Coordonateur des Ateliers Sociaux Nord-Sud