Par Dr Fweley Diangitukwa. Texte présenté aux Congolais rassemblés à Lausanne à l’Hôtel Continental, le 7 juillet 2012.
La situation sécuritaire à l’Est du Congo se détériore de plus en plus.
La situation sécuritaire et humanitaire est très préoccupante dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) où il y a une escalade des violences et le déplacement des civils. La détérioration de cette situation sécuritaire a provoqué des mouvements significatifs de personnes déplacées et de réfugiés. Cette escalade des violences vient des officiers et des soldats qui étaient formellement intégrés dans les forces armées de la République démocratique du Congo et qui opèrent actuellement dans la province du Nord-Kivu sous la dénomination de groupe armé M23. Les violences dans la province du Nord-Kivu ont poussé plus de 40.000 civils à fuir leur foyer pour la seule période du 10 au 20 mai 2012.
Les soldats rwandais, qui sont revenus du Soudan (Sud-Soudan) après la division de ce pays en deux parties, ont été envoyés à l’Est de la RDC pour renforcer les soldats rwandais qui s’y trouvaient déjà en appui aux rebelles de M23 issus du CNDP. La puissance de feu, le nombre subitement important des effectifs militaires engagés dans les hostilités contre les FARDC et l’aggravation de la situation sécuritaire dans le territoire de Rutshuru, province du Nord-Kivu, s’expliquent par cette présence massive des soldats rwandais revenus du Soudan et rapidement affectés à l’Est du Congo.
Le Rwanda est le principal responsable des dégâts matériels, des pertes en vies humaines et des graves violations des droits humains dus à l’action des mutins. Ce ne sont pas seulement les positions des FARDC qui sont prises pour cibles dans les tirs des soldats ennemis mais aussi les campements des éléments de la MONUSCO déployés sur le terrain pour maintenir la paix et protéger les populations civiles, conformément à leur mandat. A distance, le Rwanda est épaulé par les Etats étrangers et les firmes transnationales qui bénéficient des ressources naturelles pillées par le Rwanda à l’Est de la RDC mais il reçoit également le soutien des marchands d’armes à la recherche des foyers de tension pour liquider leurs vieux stocks. On le sait, sans la guerre dans les pays du tiers-monde, les entreprises qui fabriquent les armes ne peuvent pas fonctionner. D’où la nécessité d’allumer les foyers de tension et d’entretenir la guerre. Les présidents Museveni, Paul Kagame et Joseph Kabila sont au service de cette idéologie impérialiste pour anticiper la division du Congo et, au passage, pour s’enrichir sur le dos des victimes congolaises. Ce sont des hommes très dangereux pour la paix et pour l’avenir de la région des Grands Lacs.
Selon un récent document de l’ONU révélé par la BBC ainsi qu’un rapport de l’ONG de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch (HRW), des responsables militaires rwandais auraient fourni armes, munitions et troupes au M23. Le rapport de HRW dit notamment que plusieurs civils ont été recrutés de force au Rwanda.
Kigali a déjà armé de nombreux mouvements tels que le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda, dont sont issus les rebelles du M23. En mars 2009, le CNDP avait été intégré à l’armée congolaise à la suite d’un accord entre Kinshasa, Kigali et Bosco Ntaganda, le second de Nkunda, qui avait trahi son chef. Il obtient, en contrepartie, un rang de général dans l’armée congolaise, malgré un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) qui pèse contre lui. Les troupes du CNDP sont alors intégrées dans l’armée.
Le Rwanda viole la souveraineté du Congo depuis 1996
Laurent-Désiré Kabila a mis fin au régime du maréchal Mobutu grâce au soutien du Rwanda et de l’Ouganda. Les deux pays en ont profité pour maintenir des hommes armés sur le territoire congolais et pour soutenir des groupes armés qui travaillent pour défendre leurs intérêts. Le Rwanda a même imposé l’un de ses officiers, en la personne de James Kabarebe, à la tête des forces armées congolaises. Après l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila, avec la complicité de Joseph Kabila, le Rwanda a réussi à placer ses hommes dans les postes-clés de l’armée, de la police nationale, des services de renseignement et de sécurité. Assuré d’un soutien renouvelé à l’intérieur de l’Etat congolais, le Rwanda organise le pillage des ressources naturelles se trouvant à l’Est de la République, il verse le surplus de sa population dans cette partie du pays. La cohabitation entre les Tutsi rwandais (entrés illégalement, avec femmes, enfants et vaches) et les autochtones entraîne des problèmes démographiques (densité au km2), fonciers (exploitation du sol et des matières premières) et de nationalité (il est difficile de déterminer la nationalité des personnes qui habitent à l’Est du Congo). Le Rwanda de Kagame lutte sur le territoire congolais contre les Hutu des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) qui ont fui leur pays en 1994 avec des armes. Le président Kagame les accuse d’être des génocidaires. Les Congolais habitant à l’Est luttent contre les envahisseurs qui s’approprient leur terre et qui pillent les ressources naturelles de la région. Ces questions sont à l’origine des conflits qui ont causé plus de huit millions de morts.
Le silence de la presse internationale
Les massacres au Rwanda ont fait 800 000 personnes, c’est-à-dire moins d’un million de morts. Le monde entier a condamné fermement ces massacres qui ont été qualifiés de génocide. Les attaques de New York, le 11 septembre 2001, ont causé la mort à quelque 6 000 victimes appartenant à 80 pays. Le monde entier a condamné ces attaques. Les pillages et les guerres d’agression en RD Congo ont causé la mort à plus de huit millions de personnes. Le monde entier est resté silencieux et indifférent.
Le 12 septembre 2001, soit un jour après l’attaque des deux tours de New York, le Conseil de sécurité a reconnu aux Etats-Unis le droit de « légitime défense » et il a adopté une résolution [1368] par laquelle il a condamné catégoriquement dans les termes les plus forts les « épouvantables attaques » terroristes qui ont eu lieu le 11 septembre à New York. Le Conseil de sécurité a reconnu aux Etats-Unis un droit de « légitime défense », tel que le définit l’article 51 de la Charte des Nations Unies, c’est-à-dire les autorisant à recourir à la force. En effet, les Etats-Unis avaient besoin d’invoquer la notion de légitime défense pour justifier d’éventuels actes de représailles.
Les atrocités commises au Congo sont d’une cruauté terrible mais cela n’a jamais provoqué l’émotion des membres de la communauté internationale. Il s’agit d’une injuste qui frise le complot contre le Congo.
Nous déplorons le silence de la presse internationale qui ne traite pas les situations similaires de la même façon.
Devant le silence de la presse internationale et l’indifférence de la communauté internationale qui peine à trouver une solution durable au drame congolais – et ce malgré de nombreux rapports des Nations Unies dont le Rapport Mapping –, les Congolais ont pris la résolution de s’organiser eux-mêmes et de se défendre. La création du Front civil de résistance populaire répond à ce besoin urgent pour permettre à la RD Congo de sauvegarder sa souveraineté et protéger la République contre l’agression des personnes et des biens.
La RD Congo à la recherche de sa souveraineté
Si la souveraineté se traduit avant tout par le droit reconnu à chaque peuple de décider librement de son destin et de choisir comme il l’entend son régime politique, économique et social, droit sur lequel tout le monde s’accorde en principe, la souveraineté du Congo n’a jamais été respectée, car ce sont les Etats étrangers qui interviennent dans le fonctionnent du pouvoir. Le Rwanda et l’Ouganda, la Belgique, l’Union européenne et les firmes transnationales font ce qu’ils veulent au Congo, sans oublier les Organisations internationales, comme la MONUSCO et le PNUD, qui se mêlent des questions internes et sensibles comme l’organisation des élections. Or, la notion de souveraineté souligne le principe de non-intervention dans les affaires intérieures d’un Etat. La résolution 2131 (XX) de l’Assemblée générale de l’ONU, qui peut-être considérée comme la véritable « Charte de la non-ingérence » condamne « non seulement l’intervention armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence ou toute menace dirigée contre la personnalité d’un Etat ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels ». L’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes implique un préalable essentiel : le droit pour ce peuple de se constituer en Etat et d’accéder à l’indépendance politique. Un Etat souverain est celui qui jouit de la liberté de gestion sur des ressources se trouvant sur son territoire. Vu sous cet angle, le Congo n’est pas un Etat souverain. D’où la nécessité de recouvrer cette souveraineté afin d’assurer l’indépendance du pays et son développement.
Devant le cas d’agression de son territoire, tout Etat est appelé à se défendre en invoquant la légitime défense. En situation de légitime défense, il y a forcément deux personnes ou deux Etats au moins : une personne ou un Etat qui commet une agression et une personne ou un Etat qui, voulant empêcher l’agression, commet une infraction contre l’agresseur. Dans le cas de légitime défense, on part du principe que celui qui se défend ne se fait pas justice à lui-même, mais il se fait police à lui-même. C’est pour défendre ses intérêts vitaux et assurer sa sécurité que le Congo se dote aujourd’hui d’un Front civil de résistance populaire. Le Congo, qui a été agressé depuis 1996 et qui connaît une guerre de basse intensité, doit organiser sa défense en formant la population civile à l’autodéfense et en s’appuyant sur le concept de légitime défense.
« La légitimité défense est l’autorisation légale et immédiate de se défendre, y compris en employant des moyens qui seraient interdits en d’autres circonstances ». Ce concept s’applique aussi bien aux individus qu’aux Etats.
L’obligation de se défendre
Les Congolais ont le droit de se défendre et de défendre leurs biens. Face à l’indifférence du pouvoir étatique qui ne s’appuie pas sur l’Etat de droit et sur les bonnes pratiques, c’est-à-dire sur les exigences de la « bonne gouvernance », les citoyens doivent apprendre à défendre eux-mêmes leurs droits. C’est leur rôle de citoyens et de sujets de droit. Le Front civil de résistance populaire les aidera à mieux s’organiser.
L’incapacité de l’Etat congolais, plus précisément, du pouvoir du président Joseph Kabila Kabange, à défendre les ressources naturelles du Congo et les biens des Congolais, a entraîné la mort de près de huit millions de personnes et multiples contaminations des maladies sexuellement transmissibles. Les massacres ont atteint un tel degré d’horreur qu’il était temps de crier haro sur le baudet. Se mettant du côté du peuple congolais qui est humilié, clochardisé et chosifié par le pouvoir actuel, le Front civil de résistance emploiera tous les moyens nécessaires et proportionnés à la gravité des infractions que nous avons subies pour défendre notre liberté et notre souveraineté, car il n’y a pas d’alternative.
Le peuple congolais a l’obligation de se prendre en charge, de se défendre, de défendre légitimement leur territoire contre les agressions qui sont réelles, répétitives et surtout injustes. La conjonction de ces trois éléments, à savoir une agression réelle, répétitive et injuste fait appel à une défense nécessaire et mesurée. Devant l’injustice et l’indifférence de l’Etat, les Congolais doivent se mobiliser pour défendre leur territoire.
Depuis 1996, le Rwanda s’arrange pour avoir des hommes armés à l’Est du Congo, sinon des groupes armés organisés, qu’il soutient. Après RCD-Goma, le Rwanda a armé Laurent Nkundabatware Mihigo qui a créé le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Après sa brouille avec le pouvoir de Kinshasa, il a été remplacé par Bosco Ntaganda, ancien leader du CNDP. Celui-ci fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI). Lorsqu’il a été réclamé par la Cour pénale internationale (CPI), Ntaganda a vite quitté les Forces armées congolaises où il avait le rang de Général pour créer le M23, avec le soutien du Rwanda. Ce groupe armé occupe une petite enclave entre les collines de Runyoni, Tshanzu et Mbuzi, adossée à la frontière qui sépare la République démocratique du Congo (RDC) du Rwanda et de l’Ouganda.
En attaquant régulièrement l’Est du Congo avec des armes, les assaillants ou les agresseurs ont ouvertement montré aux Congolais le refus de leur reconnaître le droit de vivre en paix sur leur territoire ou de vivre tout court. Dès lors, les Congolais ont le droit de se défendre non seulement contre une violation de leur intégrité territoriale mais également contre la violation de leur droit à être reconnus et respectés comme personnes jouissant de toutes leurs libertés sur leur territoire.
En s’appuyant sur le Front civil populaire, le Congo s’organisera désormais pour repousser, à tout instant, toute personne étrangère et tout groupe constitué qui viole le territoire congolais, qui pille les ressources naturelles, qui viole les femmes congolaises ou qui tuent les Congolais.