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Affairistes, ONGs & divisions : Pourquoi le Congo n’est pas un pays normal

Affairistes, ONGs & divisions : Pourquoi le Congo n’est pas un pays normal

Affairistes, ONGs & divisions : Pourquoi le Congo n’est pas un pays normal IN

L’analyste politique jean-Pierre Mbelu apporte un éclairage sur le système affairiste qui régit la classe et la vie politique au Congo, décrypte le rôle des ONG comme Human Rights Watch dans la guerre qui nous est menée et explique pourquoi nous devons, nous-mêmes, davantage travailler à créer des alternatives qui pourraient nous aider à refonder le Congo.

Sur la Commission Electorale Nationale Indépendante

Quel est le pouvoir organisateur de la suite de ces élections pièges à con chez nous ? C’est un pouvoir issu illégitime, issu des fraudes. Comment un pouvoir illégitime peut-il prétendre organiser des élections d’où sortirait un ordre provincial ou sénatorial légitime ou légal ? Au niveau des principes, il y a quelque chose qui cloche. L’essentiel n’est pas de choisir tel ou tel membre de notre communauté congolaise pour qu’il préside la commission électorale nationale indépendante. La question est de savoir quelle est la légitimité du pouvoir organisateur ?
Malheureusement parce qu’il y a beaucoup d’argent qui sort de cette commission dite indépendante, un certain nombre d’entre nous ne se poseront pas cette question et veulent travailler avec cette commission qui leur permet de s’enrichir rapidement, illicitement.
Le processus est pipé. Il aurait fallu tout remettre à plat pour voir comment refonder l’Etat. Rien n’a changé du point de vue des conditions de l’organisation d’une élection convenable depuis 2006 jusqu’à ce jour.

Sur la vie politique au Congo

Le Congo n’est pas un pays normal. Le Congo est un pays sous-occupation de la communauté internationale par le canal de l’ONU. Le Congo est un pays sous occupation des pays limitrophes soutenus par leurs parrains. Et c’est dans ce contexte là qu’il est infiltré dans toutes ses institutions.
Ainsi donc ce qui se passe au Congo n’a rien à voir avec la politique. C’est de l’affairisme d’un groupe d’individus. Ce groupe s’arrange pour nous donner l’impression qu’il fait de la politique. Le Congo est devenu une jungle. Vouloir appliquer les règles de la politique telles qu’elles s’appliqueraient dans un pays qui se respecte à une jungle qui s’appelle le Congo, c’est peut-être ne pas comprendre ce qui se passe dans cette jungle là.
Tout ce qui se passe aujourd’hui, au Congo, sont des arrangements de ce qu’on appelle le 1% de l’élite nationale et transnationale de prédation pour pouvoir rouler notre population dans la farine. Comme cette élite prédatrice sait qu’elle peut prendre dans ses filets certains de nos compatriotes avides d’argent et de pouvoir fantôche, elle se donne à cœur joie à ce cinéma là. Il n’y a plus vraiment d’acteurs politiques dignes de ce nom à Kinshasa. Il y a surtout beaucoup d’aventuriers.
Nous réfléchissons, nous débattons, c’est bien. Mais ne faisons pas comme si le Congo n’était pas sous-occupation, ne faisons pas comme si le Congo n’était pas une colonie de la communauté dite internationale. Le Congo est un pays qui vit sous le joug de l’impérialisme et du néocolonialisme.

Sur l’urgence de la refondation de la société (civile) congolaise

Le Congo est aujourd’hui une jungle. Si on veut organiser des élections dans une jungle, cela ne pourra profiter qu’aux criminels de guerre qui essaient d’ensauvager le pays. Il y a un travail fou à abattre : c’est celui de la renaissance de la société civile et de la classe politique congolaise. Et ce travail là est en train de se faire. Il y a des minorités organisées qui s’y adonnent mais c’est un travail qui doit être abattu en profondeur. Si nous ne faisons pas cela, nous allons disparaître comme peuple. Et ce sera pour le malheur de nos enfants.
Il est sûr que Joseph Kabila ne va pas se réveiller un matin et couper la branche sur laquelle il est assis. Ce qui explique toutes les manœuvres qu’il entreprend pour assurer sa mission par défi à la tête de notre pays. Donc, au lieu de gaspiller tout notre temps à se focaliser sur Kabila, n’est-il pas plus que temps que nous pensions davantage aux alternatives à mettre sur pied pour que demain le Congo puisse fonctionner autrement.
Nous devons penser de plus en plus aux alternatives qui pourraient nous aider à refonder le Congo pour en faire un Etat souverain, de droit démocratique. Un Etat dans lequel les populations ont une conscience aigue de leur citoyenneté. Un Etat dans lequel les populations ont une conscience nationale très développée. Un Etat où la masse critique est majoritaire. Essayons de plus en plus de réfléchir sur ces questions là et laissons ces gens là animer leur jeu comme ils l’entendent tout en étant attentifs. Parce que le Congo, c’est notre patrimoine à nous tous.

Sur le piège des divisions entre nous

Nous devrions faire très attention au sujet de l’usage des divisions entre nous pour asseoir des pouvoirs d’argent et d’affairisme. C’est un piège dans lequel plusieurs d’entre nous tombons facilement. L’entretien des divisions profite à ceux qui estiment que diviser permet de régner… Nous devrions avoir le réflexe qui nous aide à contourner toutes les divisions qui ne nous permettent pas de pouvoir sortir notre pays du bourbier. Tant qu’on saura que nous tombons facilement dans les divisions, l’élite prédatrice s’en servira toujours pour nous rouler dans la farine et poursuivre son affairisme.
Si nous ne rompons pas avec le piège de la division, que ce soit au niveau des partis politiques, au niveau de la société civile, ou encore au niveau national entre nous et les pays limitrophes, nous disparaîtrons en tant que peuple historique.

Sur le système affairiste au Congo

Le système qui est en place n’est pas un système politique. C’est un système affairiste dans lequel tout le monde se bat pour manger. Le peuple a ainsi fini par ne plus exister dans la tête de la plupart de nos compatriotes qui sont au parlement.
Vous imaginez un enseignant de l’école primaire qui n’avait jamais touché 1000 dollars quand tout d’un coup il se voit capable d’accéder à des milliers de dollars, vous n’allez pas convaincre facilement ce monsieur là que lécher les bottes est une mauvaise chose. C’est donc un système qui n’est fondé sur aucune éthique, ça devient compliqué pour notre pays. Mais c’est un malheur passager parce que plusieurs d’entre nous ont compris qu’il faut mettre fin à ce système là pour pouvoir refonder le pays sur des bases politiques convenables.

Sur Human Rights Watch, sa dernière lettre à Kabila et les commanditaires de la guerre au Congo

Quand nous recevons des rapports comme ceux d’Human Rights Watch. Nous devons avoir un réflexe. Que poursuit l’ONG ? Qui finance ces organisations? Cet organisme en est à son quantième rapport ? Pour quelle finalité ? Qu’est-ce que leur nouveau rapport ajoute, par exemple, au mapping de 2010 ? Absolument rien. Qu’est-ce qu’il ajoute au rapport Kassem de 2001/2002 ? Absolument rien. Qu’est-ce qu’il ajoute au rapport Gersony de 1994 ? Absolument rien. Ce sont les messieurs et dames qui financent Human Rights Watch, par exemple, qui entretiennent la mort chez nous depuis les années 1990.
Si on allait dans la logique d’Human Rights Watch, Joseph Kabila et son entourage le plus proche (Les Mende, Ruberwa inclus) qui se sont battus de Kigali à Kinshasa devraient se retrouver en prison, parce que ce sont des criminels de guerre présumés. Ils n’ont jamais été jugés. Les crimes qu’ils ont commis depuis les années 1990 n’ont jamais été jugés. Ce n’est pas parce que Human Rights watch écrit à Joseph Kabila que les choses vont changer.

Sur les ONG au Congo

Ceux qui nous mènent la guerre sont les mêmes qui financent les organismes de droits humains et ils multiplient les rapports qui ne mettront jamais en cause les véritables commanditaires de cette guerre. Ces ONGs s’en prennent aux acteurs mineurs qui ont leurs parts de responsabilité, mais jamais à ceux qui les dirigent. C’est trop facile. Il faut que nous arrêtions de trop compter sur ces ONG, parce que ces ONG ne travaillent pas pour le bonheur des congolais.
Même au prix de la mort, nous devons pouvoir nous sacrifier et sortir notre pays du bourbier. C’est lorsque nous comprendrons cela, avec une bonne masse critique, que nous pourrons constituer un système judiciaire à même de juger ces criminels de guerre. Nous n’avons pas à compter sur ces ONG. D’ailleurs, le président bolivien les a récemment chassé. Pour la plupart, ce sont des organismes infiltrés par les services secrets des pays commanditaires de la guerre chez nous.

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