L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu décrypte les enjeux géopolitiques derrière « la victoire » des FARDC face aux milices ougando-rwandaises, expose les simulacres et les théâtres de diplomatie du gouvernement fantôche de Kinshasa et explique pourquoi et comment les USA et les multinationales s’efforcent de cacher la guerre de prédation et d’agression qu’ils imposent au Congo.
Sur la victoire des forces militaires congolaises
Comment se fait-il que ce pays dont on disait qu’elle n’avait presque pas d’armées puisse en quelques jours, en découdre une fois pour toute avec les milices rwandaises et ougandaises qui subissaient à l’Est de notre pays ? Que s’est-il passé au juste ?
On voudrait présenter les responsables du gouvernement fantôche de Kinshasa comme étant les héros dans cette guerre, ce qui est absolument faux. Ce que plusieurs d’entre nous ne veulent pas mentionner et qui est en train devenir un secret de polichinelle, c’est que nous, congolais, nous n’étions pas en guerre contre le Rwanda et l’Ouganda. Ces deux pays ont été instrumentalisés par les forces extérieures, les multinationales et les Etats profonds anglo-saxons pour qu’ils nous attaquent afin que ces forces extérieures fassent main basse sur nos matières premières.
Et ceux sont les mêmes forces extérieures qui ont décidé de pouvoir mettre fin à leur aventure. Vous en avez pour preuve, les différentes interventions faites par l’envoyé spécial des USA dans la région des Grands Lacs.
Sur la conférence du 6 novembre de Russ Feingold, l’envoyé spécial des USA dans les Grands Lacs
Dans cette conférence, Feingold est très clair sur les pressions qui ont été faites sur les dirigeants des Grands Lacs africains et plus particulièrement sur Kagamé et Museveni.
Et quand vous lisez attentivement, le texte de cette conférence, vous vous rendez compte que l’accord avait déjà été étudié dans les moindres détails et rédigé, et au bout de cet accord, il avait été convenu que la milice ougando-rwandaise allait déposer ses armes et que le gouvernement fantôche du Congo allait renoncer aux attaques militaires.
Et à partir de sources, basées en Ouganda, nous avons appris que ces milices ont tout simplement déguerpi des fronts ou elles se trouvaient et il n’y a pas eu de combats entre les FARDC et cette fameuse milice.
Sur le sens de (la fin de) la guerre
Il s’agit là d’un évènement profond. Dans une théâtralisation de la politique, dans un contexte de banalisation de la mort, la pratique de la politique profonde crée des évènements profonds, comme une guerre qui détruit les vies pour pouvoir justifier certaines mesures qui pourront être prises après.
L’exceptionnalisme américain est en train d’être battu en brèche. La Syrie a été un cas assez difficile pour cet empire en déclin. Les prises de position de Poutine et de la Chine, ont conduit cet empire à renoncer aux frappes auxquels il s’était préparé. La montée des opinions publiques américaines et britanniques. Donc, le changement de la donne internationale, c’est à dire l’affaiblissement des USA, pèse un peu sur ce qui est en train de se passer en RDC.
Et puis, Kagamé et Museveni, ont à certains moment, poussé le bouchon très très loin. Par ailleurs, avec tout ce qu’il y a eu, comme rapports, il devenait plus ou moins indécent de continuer à soutenir que c’est au nom du génocide que Kagamé pouvait se permettre de faire ses incursions au Congo et tuer les congolais comme il en avait envie.
Mais n’oublions surtout pas que ces gens là ne renoncent jamais.
Ils ne renoncent jamais à la guerre d’usure dans laquelle ils sont impliqués. Ils vont peut-être changer de stratégie. Ils ont maintenant envie de créer un espace pour le capitalisme prédateur américain à l’Est de notre pays.
Sur la rébellion congolaise
Il n’y a jamais eu de rébellion congolaise, nous avons eu affaire avec les militaires rwandais et ougandais dont un certain nombre avait été démobilisés.
Quand on parle de rébellion congolaise, on nous met sur une fausse piste dans l’analyse de ce qui s’est passé à l’Est de notre pays.
Sur les négociations de Kampala et les prises de position de Kinshasa
Tout cela fait partie des simulacres. L’accord a déjà été rédigé et est prêt à être signé, Russ Feingold l’a déclaré. Ce que les Mende, Mwamba, Tshibanda font c’est de la pure distraction et des mensonges. Ils veulent tout simplement entretenir la désinformation de nos populations pour se donner un peu de poids. Ils font comme s’ils étaient les acteurs majeurs de ce qui se passe dans notre pays. Alors qu’ils ne sont pour la plupart que des acteurs apparents et des marionnettes. Ce sont des gens qui exécutent des ordres qui viennent d’ailleurs.
Encore une fois, nous allons assister à un remake de ce qui s’est passé avec l’AFDL, avec le RCD, avec le CNDP. Donc, Kagamé et Museveni, avec la complicité de Kabila, vont placer dans les institutions congolaises, une partie de leurs militaires.
Sur la position de Kabila
Quel bénéfice politique peut-il engranger ? Kabila fait ce qu’on lui demande de faire. Il joue le rôle qu’a toujours été le sien dans cette guerre d’agression. Il n’a pas renoncé à son rôle de Cheval de Troie au Congo.
Parce que la guerre dure, nous croyons à un certain moment, que ces gens là deviennent des acteurs majeurs, et qu’ils ont du poids dans cette guerre de basse intensité. Non.
Sur le jeu trouble des acteurs majeurs de la guerre au Congo
Les acteurs majeurs troublent le jeu. Ils font croire que cette guerre fait partie des guerres ethniques. Ils font croire qu’il faut que les congolais, les rwandais et les ougandais se mettent autour d’une même table, trouvent une solution et voient comment il est possible de protéger les populations d’expression rwandaise qui vont revenir au Congo. Or, il n’en est pas question. C’est une guerre de prédation et d’agression, une guerre de basse intensité dont les acteurs majeurs sont en train de cacher la vérité.
Sur un soutien américain pour le Congo
Comment des agresseurs, adeptes du capitalisme de la mort, peuvent un seul instant, penser à vous aider pour que vous puissiez avoir une place au soleil ? Ce n’est pas envisageable.
C’est quand nous congolais auront compris que cette guerre ne pourra prendre fin que lorsque nous en deviendrons les véritables acteurs, quand nous aurons la maîtrise des tenants et des aboutissants de ce qui se passe et que nous aurons renversé les rapports de force, là nous pourrons avoir notre place au soleil. Les américains ne vont pas aller se battre à notre place pour cela. Où ont-ils déjà fait cela ?
Ils viennent, ils pillent, ils détruisent. Comme l’empire américain est désargenté, comme il va faire son déclin, il ne peut survivre qu’en mâtant les petits pays faibles comme le Congo, le Rwanda et l’Ouganda. Vous imaginez les USA affronter aujourd’hui un pays comme la Chine en face à face ? Non.
Sur le sort des groupes armés au Congo
Il y a un jeu malsain qui est mené dans cette histoire. On demande aux miliciens rwandais et ougandais de retourner dans leurs pays pour pouvoir s’en prendre aux véritables résistants congolais qui sont encore sur le sol congolais. C’est un jeu de dupes, on met tout le monde dans le panier des forces négatives. On demande aux véritables forces négatives qui sont venues de l’extérieur de retourner dans leur pays, on vous dit que la MONUSCO, la brigade d’intervention et les FARDC vont s’en prendre à toutes les forces négatives du pays.