Par Jean-Pierre Mbelu
La théâtralisation de la guerre, l’ensauvagement des artisans du « chaos organisé », la banalisation de la vie et/ou de la mort, la pratique de la business-politique et de la politique-mensonge, etc. sont autant des maux dont souffre atrocement la sous-région de l’Afrique centrale depuis bientôt plus de deux décennies. Les dernières « victoires » des FARDC sur la milice rwandaise du M23 sont une illustration de toutes ces pathologies entretenues par des psychopathes et des sociopathes agissant en réseaux interconnectés et dupant en permanence des masses immenses des populations congolaises désinformées, tenues expressément dans l’ignorance et souvent adeptes d’une religiosité déresponsabilitante. Cela étant, nous ne nions pas le fait qu’il y ait de vaillants soldats congolais dans les FARDC. Malheureusement, ils opèrent au sein d’un système infiltré par les ennemis de la RDC et néolibéralisé ; un système ayant renoncé aux valeurs génératrices et protectrices de la vie.
Comme dans la première partie de cet article, cette deuxième tient à étayer davantage l’hypothèse selon laquelle « les victoires des FARDC » sur le M23 sont trop belles pour être réelles.
A l’heure de l’expansion des NTIC, l’accès à une information bien sourcée ne passe pas nécessairement par « les médias officiels et dominants ». Les minorités congolaises organisées et agissantes ont appris l’usage des médias alternatifs et s’efforcent, souvent, d’aller à la source. Vendredi, 1er novembre 2013, d’une source sûre en Ouganda, nous apprenions que « les véritables combats » entre les FARDC et le M23 n’ont pas eu lieu. La hiérarchie militaire de cette milice lui a demandé tout simplement de quitter les différents fronts.
Ce même vendredi, l’un des ex-membres du FPR et ex-bras droit de Paul Kagame , Théogène Rudasingwa, écrit ce qui suit : “As Goma fell to Rwanda’s troops President Museveni of Uganda and President Kagame of Rwanda, both condemnable co-authors of this latest outrage against the Congolese people, met President Kabila of DRC in Kampala in a sham diplomacy designed to serve him with a fait accompli and an ultimatum to accept M23 as a Congolese organization with legitimate demands.” Notons bien l’expression “a sham diplomacy” et le rôle que joue le trio ‘’Kagame-Museveni-Kabila’’. Disons donc que la décision d’accepter le M23 comme une organisation congolaise ayant des demandes légitimes est le résultat d’une « simulacre de diplomatie » menée par « ce trio de la mort ». Ce trio efficace au niveau « diplomatique » l’est aussi au niveau structurel (et institutionnel) de manière théâtrale en créant la CIRGL. Théogène Rudasingwa en témoigne quand il note ceci : “As has happened in the past, when his enterprise in DRC has suffered setbacks, President Museveni has come to his rescue through sham peace talks under what is called International Conference on the Great Lakes Region (ICGLR). President Kagame and President Museveni use the ICGLR to buy time, and obstruct the role of the African Union, and to fight the SADC (South Africa and Tanzania) presence in DRC.”
Même s’il ne va pas jusqu’à nommer les parrains du duo Museveni-Kagame, le Dr Théogène Rusasingwa nous aide à prendre la mesure de la théâtralisation politique en Afrique centrale. Oui. Il y a eu « une simulacre de diplomatie ». Néanmoins, les minorités organisées et agissantes ont réussi à mener « une diplomatie parallèle » dont les résultats pourraient finir par surprendre les élites compradores confondant vitesse et précipitation.
Hélas ! « Le trio de la mort », porté par ses parrains, n’a pas encore dit son dernier mot. Il joue « bien » son jeu. Pour les amnésiques d’entre nous, il a finalement mis fin à la guerre du M23. L’un de ses membres va probablement mettre sur pied, en RDC, « un gouvernement de cohésion nationale » pour « le bonheur partagé » dans ce pays après (ou avant) une amnistie accordée « au cas par cas » aux criminels rwando-congolais du M23 ! Et « la prophétie » du « Pasteur » Ruberwa, ancêtre du CNDP et du M23, va s’accomplir. Se confiant à RFI en mars 2013, il disait : « Kinshasa n’a pas le choix. Dans une guerre où vous n’avez pas la suprématie, vous ne pouvez pas mettre fin à cette guerre sans intégration. C’est quasi impossible. » Cette « prophétie » procède de l’expérience faite par « le Pasteur » au RCD quand, après, le litige opposant la multinationale canadienne Banro à Laurent-Désiré Kabila vers les années 1997, le parti cher à Ruberwa accepte de faire la guerre, dans le Sud-Kivu, afin d’en être un allié. Et « en 2001, face au déferlement des hommes d’affaires désireux d’arracher des contrats juteux aux rebelles du RCD-Goma, ces derniers ont voulu mettre de l’ordre en créant une société privée qui s’occuperait de ces spécialistes en ‘’contrats hauts risques’’ – la société Congo Holding Development Company (CHDC). Le RCD cède à cette CHDC – dont les actionnaires sont les dirigeants du RCD-Goma, des Rwandais et des Sud-Africains- les gisements disputés de l’ancienne Sommiki. »[1]
Qui dirait qu’Anatole France avait tort de dire : « On croit mourir pour la patrie : on meurt pour les industries. » Comme en 2001, en 2013, les mêmes acteurs majeurs et apparents se retrouvent impliqués dans la guerre de prédation en Afrique centrale : les élites compradores rwandaises, sud-africaines, les multinationales et les milices fabriquées par ces élites.
Pour rappel, quand le CNDP voit le jour, il a entre autres comme mission de pousser le gouvernement fantoche de Kinshasa à renégocier le contrat léonin chinois. A la création du M23, Paul Kagame tenait (entre autres) à l’utiliser dans l’exploitation d’une ressource minérale rare (Lueshite) dans un village de Rutshuru pour le compte d’un patron allemand.
Mais pendant plus de deux décennies, cette guerre de basse intensité et de prédation a été faussement présentée comme une guerre ethnique ou une chasse aux « génocidaires » rwandais ayant choisi la RDC comme base-arrière.
Heureusement, tenaces et courageuses, les minorités congolaises organisées et agissantes ainsi que leurs amis et beaucoup d’autres hommes et femmes de bonne volonté n’ont cessé de dénoncer cette supercherie, forçant certains parrains de Paul Kagame à prendre (de manière rhétorique) certaines mesures symboliques suffisamment « dures » à son endroit. Une certaine opposition rwandaise à Paul Kagame a apporté sa quote-part à la remise en question de cette supercherie. (Théogène Rudansingwa est aujourd’hui disposé à se soumettre avec Paul Kagame à un détecteur de mensonge au sujet de l’attentat perpétré contre le président Habyarimana le 06 avril 1994). Certains médias officiels occidentaux disent clairement, au jour d’aujourd’hui, que Paul Kagame soutient le M23 en RDC. (Qui aurait cru, il y a quelques années, que dans certains pays occidentaux ayant présentait Paul Kagame comme « le véritable héros » après le génocide de 1994, il y ait des radios et des télévisions traitant du soutien de ce monsieur au M23 sans ambages ?)
Néanmoins, il serait naïf de croire que la vérité qui vient au grand jour (par les escaliers) se maintiendra sans que la RDC en paie le prix. Il ne pourrait pas être surprenant que les USA désargentés et affaiblis par les multiples scandales de guerres fondées sur des mensonges et ceux d’écoutes téléphoniques (des alliés) continuent à croire dans « le rêve américain » à réaliser sur le dos des pays africains affaiblis institutionnellement comme la RDC ; un pays sans leadership fort. Aux dernières nouvelles, il ne serait pas exclu qu’ils implantent une base militaire à l’Est de la RDC. Comment les dignes filles et fils de la RDC peuvent-ils organiser un contre-pouvoir à même de stopper stratégiquement cette théâtralisation de la violence, de la politique, de la guerre et cette banalisation de la vie et/ou de la mort ? Devront-ils jouer à fond la carte de la SADC sans les membres du « trio de la mort » ou tout simplement internationaliser leur lutte dans un monde polycentré en comptant sur des partenaires crédibles ? (A suivre)
Mbelu Babanya Kabudi