L’analyste politique jean-Pierre Mbelu expose les limites et les incohérences d’un dialogue national intercongolais, souligne comment ceux qui coopèrent avec les initiateurs de la guerre de basse intensité détruisent notre pays de l’intérieur et explique pourquoi nous devons sortir le ver qui est dans nos fruits.
Sur l’Abbé Malu Malu, le processus électoral et la CENI
Toutes les conditions sont-elles réunies pour parler d’un processus électoral digne de ce nom ? Non. Au-delà de la question Malu Malu, il y a une question plus importante : Quel Congo, voulons-nous pour demain ?
Ce qui est en train de se passer avec Malu Malu est annonciateur de l’ordre ou du désordre qu’il va régner demain. Nous avons la nette impression que les choix (des dirigeants qui sortiront de ces élections) sont déjà faits et on voudrait que nos populations puissent avaliser ces choix là. Aller aux élections dans un contexte d’illégitimité, dans un pays sous occupation de la communauté internationale et des pays voisins, dans un pays où ceux qui sont à la tête règnent par défi, dans un pays où nos masses populaires n’ont pas de contrôle sur les processus d’identification ni de recensement (qui n’a jamais été fait), n’a pas de sens.
Sur la désignation d’un porte-parole de l’opposition
Au moment où nous parlons un parlementaire, Diomi Ndongala, est en prison sans que son immunité n’ait été levée au préalable. Qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité, les parlementaires sont issus d’un processus biaisé et illégitime. Nous n’avons pas jusqu’à ce jour d’opposition digne de ce nom qui se bat pour que notre pays puisse se sortir du bourbier. Malgré le bruit qu’ils font, et même avec la désignation d’un président de l’opposition, on ne voit pas en quoi ils jouent un rôle parlementaire pouvant aider nos populations clochardisées à sortir du gouffre sans fond où elles sont en train de s’enfoncer aujourd’hui. Ils font du bruit pour quelle fin ?
Sur la Banque mondiale et la solution à la guerre
Est-ce que ce sont les dirigeants de la sous-région des grands lacs ou de l’Afrique australe qui ont commandité la guerre de basse intensité ? Comment peuvent-il trouver des solutions là où ils n’ont pas été des acteurs majeurs ?
Pour que le Congo puisse sortir de la guerre de basse intensité qui lui est imposée, nous avons besoin de faire la vérité sur ce qu’il y a eu réellement.
Si aujourd’hui, on nous fait croire, comme la Banque Mondiale, que c’est aux dirigeants de la sous-région de trouver des solutions à cette guerre, on n’ira pas loin. Parce qu’ils ont été des marionnettes. Sans l’implication des acteurs pléniers, nous risquons de nous leurrer.
Sur les stratégies de la guerre
Il est important de se documenter pour pouvoir comprendre à quoi sert une guerre et pourquoi à certains moments, elle est menée par des pays interposés. Si on ne comprend pas ces questions, il nous sera difficile de trouver des issues à la guerre permanente que nous subissons.
Les pays impliqués dans le mécanisme de suivi des accords d’Addis Abeba sont pour la plupart impliqués dans la guerre.
Sur l’ouverture prochaine du dialogue national intercongolais
Il ne peut y avoir de cohésion nationale sans un minimum de confiance (de nos populations dans ceux qui prétendent être nos gouvernants), mais aussi sans un minimum de justice sociale. La question aujourd’hui n’est pas celle de la balkanisation, la question est : qui gère ce pays et pour quelle fin ?
Sur les concertations et la poursuite de la guerre de basse intensité
Ceux qui travaillent à la balkanisation du Congo sont au cœur des institutions qui convoquent le dialogue : Le ver est dans le fruit. Il est important que le ver qui est dans nos fruits puisse être sorti.
Ceux qui coopèrent avec les initiateurs de la guerre de basse intensité détruisent notre pays de l’intérieur. Toutes ces concertations sont organisées pour pouvoir poursuivre le processus de balkanisation et d’implosion de notre pays. N’oublions pas que les commanditaires de cette guerre, les alliés pléniers de cette guerre et leurs marionnettes ont planifié la destruction de notre pays et son pillage sur le court, moyen et long terme.
Sur la présence de Kagamé à Londres
Il a été reçu dans une université britannique. Ce sont des signes qui ne mentent pas. Les universités sont les lieux du savoir. Accueillir Kagamé dans un tel lieu du savoir avec tout ce qu’il a comme sang dans les mains devrait nous interpeller. Pour que nous puissions comprendre que seul Kagamé ne peut rien. C’est parce qu’il travaille avec ces pays anglo-saxons qu’il est orgueilleux et qu’il poursuit la mission qui lui a été confiée.
Nos compatriotes ont essayé de manifester leur colère, mais ils devraient aller un peu plus loin que la colère : Pourquoi ce monsieur est-il reçu dans les universités anglo-saxonnes ? On en revient à la question des initiateurs de cette guerre.
Kagame est une machine à tuer. Il est fort quand il est armé, mais mains nues, c’est un homme qui a peur. Et ceux qui l’ont reçu savent que les congolais sont en colère mais ils s’en moquent. Parce que ce qu’ils vont toucher après la visite de Kagamé va réparer les dégâts ou ce qu’ils ont dépensé pour le service de police et de sécurité par exemple.
Sur le sens de nos manifestations
Nous devons aller au-delà de ce que nous voyons : qu’est-ce que Kagamé est allé encore recevoir comme mission pendant que Ban Ki Moon et la Banque Mondiale se pavanent chez nous ?
Nos manifestations sont des moments où nous nous mettons debout pour crier notre ras-le-bol. Mais nous ne devrions pas nous limiter à la colère. Nous devrions aller au delà. Comment faire pour que ceux qui reçoivent Kagamé comprennent qu’au lieu de tuer, au lieu de piller, il y a moyen de passer par des voies normales pour que le commerce auquel ils voudraient avoir accès se fasse convenablement.
Sur le cas Diomi Ndongala
Ils ont tué Chebeya, ils ont tué Bazana. Ce sont des machines à tuer. Vont-ils se laisser émouvoir par une grève de la faim ? Assurément non. Ils sont cyniques. Il y a Diomi. Il y a aussi les autres prisonniers politiques… Mais presque tout notre pays est une vaste prison, à ciel ouvert. Combien de nos compatriotes meurent presque chaque jour parce qu’ils ne peuvent pas manger, parce qu’ils ne peuvent pas se soigner, parce qu’ils peuvent avoir accès aux droits élémentaires ?
Sur la création de Lumumbaville
Si nous ne tenons que de la motivation, il était temps qu’une ville soit dédiée à notre héros national. Or, les villes qui existent déjà ne sont pas entretenues, et ces messieurs là n’en sont pas à leurs premières promesses. On ne peut pas multiplier le nombre de villes sans dire comment les moyens pourront être disponibles pour leurs constructions…