Dialogue avec le M23, gouvernement illégitime, opposition à Kampala, organisations internationales, docteur Mukwege : L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu décrypte le théâtre macabre qui se joue au Congo, démontre comment ceux qui nous agressent se présentent en philanthropes et explique pourquoi, dans ce processus d’ensauvagement avancé de notre pays, la première arme que nous devons prendre est l’arme de l’intelligence.
Sur le gouvernement congolais
Le gouvernement congolais est illégitime, issu d’un processus électoral frauduleux et il est en train de conduire notre pays davantage dans un gouffre dans lequel nous aurons beaucoup de mal à l’en tirer.
Sur le dialogue avec le M23
Dialoguer avec le M23, c’est faire le jeu de Museveni et de Kagamé. Ce Dialogue, qui est un dialogue interne, est une poursuite d’un deal entre toutes les forces de la mort qui veulent à tout prix balkaniser le Congo.
Sur l’Union Européenne et ses recommandations
Il ne faut pas oublier que c’est l’Union Européenne qui finance l’Union Africaine. C’est l’Union européenne qui a contribué à la commission des crimes au Congo pour que celui qui est à la tête de notre pays trône là où il est avec l’appui de Paul Kagamé. L’Union européenne poursuit le travail qu’elle a entamé depuis les années 1990. Nous n’avons donc pas à suivre les recommandations de l’Union Européenne,qui nous induisent en erreur. Plus généralement, nous devons toujours nous dire que les organisations internationales ne travaillent pas pour le bien du Congo.
Sur l’opposition parlementaire et leur présence à Kampala
Quand on examine de près les composantes de l’opposition parlementaire en RDC, vous y trouvez tous les groupes de belligérants qui ont été créés par Kampala et Kigali. D’où vient le MLC ? Le MLC est une création de Kampala. Comme les différents RCD sont une création de Kigali, avec le CNDP et M23. Donc ces messieurs retournent à leurs amours.
Nous vivons les conséquences du fait que, depuis la guerre dite de libération, qui n’a été qu’une guerre de basse intensité et de prédation, il n’y a jamais eu de justice chez nous. Si nous avions eu un tribunal à même de juger tous ces rebelles issus des différents mouvements créés par Kampala et Kigali, la donne politique aurait pu changer. Or aujourd’hui ce sont ces rebelles qui essaient de trouver un arrangement entre eux pour gérer le pays, et dépecer l’éléphant Congo.
Sur les Lumbala, les Mwamba, Les Mbusa
Nous sommes dans un processus d’ensauvagement très avancé. La première arme que nous devons prendre, c’est l’arme de l’intelligence. Il y a un vide de la pensée chez nous, et les politiques congolais sont en train de tourner en rond. Tant que nous n’arrivons pas à identifier nos véritables adversaires et agresseurs ainsi que leurs modes opérationnels, nous ferons fausse route. Les Lumbala, les Mwamba, Les Mbusa ne sont que des marionnettes, des acteurs apparents. Or il faut aller jusqu’aux acteurs pléniers. Parce que c’est avec eux qu’il faut dialoguer.
Sur le Docteur Mukwege et son retour à Bukavu
Est-ce de l’audace, de la témérité ou tout simplement de l’amour pour son travail ? Peut-être qu’il est dominé par l’amour pour son travail et il accepte de prendre les risques. De point de vue politique, il a pris des prises de position ambitieuses. Mais le risque est qu’il soit tombé dans un piège, celui de s’être affiché avec certains politiciens cités dans la guerre de basse intensité que notre pays connaît.
Sur les philanthropes occidentaux et le docteur Mukwege
Les dons que le docteur Mukwege bénéficie pour faire son travail nous interpellent : Comment voulez-vous que des pays cités dans certains rapports de l’ONU comme faisant partie de ceux qui pillent nos matières premières (c’est-à-dire les pays qui de près ou de loin financent la guerre chez nous) puissent nous faire des dons humanitaires? Ils induisent nos compatriotes, dont le docteur Mukwege, en erreur dans la mesure où ils redonnent à notre pays le fruit d’une guerre de basse intensité qu’ils soutiennent.
Ils se présentent en nous en philanthropes alors qu’ils font partie des bourreaux. Ils dispensent des dons humanitaires alors qu’ils peuvent mieux faire en mettant tout simplement fin à la guerre. Sans la guerre qu’ils nous imposent, les congolais n’auront pas besoin de leurs dons humanitaires pour organiser leurs vies chez eux.
Sur le rôle de la diaspora face aux dons
Ce qui arrive au docteur Mukwege doit nous interpeller en tant que congolais. Nous sommes des dizaines de milliers en Europe. Si nous pouvions être capables de mettre, dans un compte commun, à la fin de chaque mois, 1 euro, toute l’année, l’argent que nous récolterons pourra aller au delà de ce que distribuent au Congo certains pays en tant que dons. Il est temps que nous puissions voir en tant que Congolais ce que nous pouvons encore faire pour notre pays afin de redonner de la dignité aux nôtres. Il n’est pas normal que les congolais soient soignés avec l’argent du sang. Nous devons pouvoir rompre avec ce cordon ombilical et permettre aux nôtres d’être soignés avec l’argent de la sueur de notre propre front.