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Quand l’onde de choc électorale congolaise secoue la Belgique

Quand l’onde de choc électorale congolaise secoue la Belgique

Quand l’onde de choc électorale congolaise secoue la Belgique IN

Par Jean-Jacques Wondo, analyste politique. Publié initialement dans le SCIlophone, revue trimestriel du SCI (N°54, Mars-Avril-Mai 2012).

Jamais une élection africaine n’a suscité un déferlement de contestations populaires au niveau de sa diaspora. Les raisons de ces manifestations et ont des origines historiques.

Ce qui vient de se passer en Belgique et un peu partout dans le monde relève d’un « wake-up call » et d’une prise de conscience politiques du Peuple Congolais. Le tout, alimenté dans le chef des congolais et de sa diaspora d’un profond sentiment d’ « Unité Nationale » et de nationalisme patriotique dit la « congolité » La congolité est ainsi comprise comme « le substrat sur lequel s’appuient les « défenseurs » de la Nation Congolaise en danger pour résister bon an mal an contre les velléités supposées d’agressions militaires, de déstabilisation et de démembrement de la RDC ; et contre les injustices historiques et politiques supposées à l’encontre de la RDC. »[1]
Les événements qui viennent de se produire en Belgique manifestent une réaction de révolte de la diaspora congolaise aux injustices susmentionnées. Des injustices auxquelles la Belgique, compte tenu de ses liens historiques particuliers avec la RDC et de sa qualité d’avocat présumé du Congo dans le concert des nations, porte à tort ou à raison une responsabilité.
Pour la diaspora congolaise, ces élections ont été l’occasion d’exprimer leur indignation de voir cette Belgique, « colonialiste », continuer de se ranger depuis 1960 du côté des dirigeants congolais politiquement extravertis (Mobutu, Tshombé, Joseph Kabila). En même temps, elle nourrit la conviction que l’ancienne métropole a constamment manifesté une certaine aversion à l’égard des leaders politiques que les congolais considèrent comme étant nationalistes (Lumumba, Laurent-Désiré Kabila, Tshisekedi). Des dirigeants que les congolais pensent avoir été neutralisés politiquement avec la complicité (avérée ou non) de la Belgique. En réaction, la diaspora congolaise dit avoir compris que le combat politique mené par la Belgique en RDC contre le Peuple Congolais, peut aussi stratégiquement étendre son champ de bataille en Belgique. D’où les différentes actions et manifestations entreprises aux fins d’alerter l’opinion publique belge et internationale, souvent désinformées, sur les ingérences négatives de certains belges en RDC.

Il n’est dès lors pas étonnant que dans cette bataille livrée au nom de la congolité, certains congolais vont se radicaliser. Ils vont ainsi s’organiser, un peu partout en dehors de la RDC, en mouvements de contestation appelés ‘combattants’, ‘patriotes’ ou ‘résistants’. C’est le cas de l’Apareco[2] en France, bien structurée et qui va s’orienter vers les activités d’éveil de la conscience patriotique congolaise. D’autres groupes de fait comme les Bana Congo enfants du Congo’ en Belgique, pléthoriques, difficilement identifiables et peu structurés, vont se radicaliser dans les actes punitifs contre les autorités congolaises et les artistes congolais qui viennent se produire en Belgique car véhiculant, selon eux, les antivaleurs du pouvoir.

 

Depuis ces élections, ils tentent également de jouer aux trouble-fêtes dans l’arène politique belge, en essayant de conclure des alliances ‘stratégiques’ d’intérêts avec des partis politiques qu’ils estiment défendre la même cause nationaliste qu’eux, comme la NV-A[3]. Alors qu’en réalité, leurs finalités respectives du « nationalisme » peuvent paraître antinomiques. D’autres enfin, se sentant victimes à la fois de la marginalisation sociale en Belgique et de la politique paternaliste belge au Congo, soutenant un pouvoir prédateur qui les condamne à l’exil, vont se livrer aux émeutes et aux actes de racisme anti blanc en Belgique, avec l’espoir que cela fasse tâche d’huile en RDC.

Pour la diaspora congolaise, au travers des élections chaotiques de la RDC, la Belgique vient de faire rater au peuple de sa Majesté un ultime rendez-vous avec l’Histoire, dans ses rapports avec le Peuple Congolais. Cela commença dès 1960 lorsque la Belgique a joué un rôle actif dans l’assassinat de Lumumba, symbole héroïque du nationalisme et de la lutte pour la liberté des peuples opprimés. Ensuite, la Belgique, au nom des intérêts économiques et géostratégiques, va durant trois décennies soutenir quasi les yeux fermés un des pires tyrans du 20ème Siècle. Un Mobutu, machiavélique, qui a saigné le zaïre et amené son peuple vers une descente aux enfers. Une seconde fausse note dans les relations « compulsives et bipolaires » Belgo-Congolaises, rythmées par une Rumba diplomatique au refrain: je t’aime moi non plus.

Des prises de position belges qui ont eu pour effet de caresser l’intime ressentiment de la diaspora congolaise qui s’est rappelé ces paroles de Lumumba : « Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres…Nous avons connu nos terres spoliées au nom de textes prétendument légaux, qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort, nous avons connu que la loi n’était jamais la même, selon qu’il s’agissait d’un blanc ou d’un noir… »

L’arrestation en Belgique en 2008 de Jean-Pierre Bemba, candidat malheureux aux présidentielles de 2006 contre Joseph Kabila sera le levain qui fera monter la pâte explosive de la diaspora congolaise. Des élections dont l’issue, selon ce que prétend la diaspora, était connue d’avance grâce au soutien diplomatique de Kabila par le belge dit « Tonton » Louis Michel. Une défaite de celui que les congolais ont surnommé ‘Mwana Mboka’[4] ‘Fils du pays’. Comme si ce supplice ne suffisait pas, la défaite de Bemba, symbole politique de la « congolité », fut suivie par sa neutralisation politique. Il fut contraint à l’exil à la suite d’un affrontement armé entre les soldats de sa garde et l’ex-garde présidentielle (La GSSP), sous l’œil indolent de la MONUC. Il sera par la suite « livré » à la CPI[5] par la Belgique. Alors que résidant à Faro, le Portugal aurait pu exécuter cette « sale besogne ». Ce qui exacerba la frustration de la diaspora à l’égard de la Belgique, considérée complice d’un Kabila traité, à tort ou à raison, d’étranger.

Enfin, last but not least, les élections de novembre 2011 furent la goutte qui fit déborder le vase. Ainsi, dans l’euphorie de l’attente de la victoire du Peuple Congolais en la personne de Tshisekedi, l’incroyable, l’impensable et l’inattendue victoire de Kabila sonna pour cette diaspora comme un coup de tonnerre et un casus belli. Et la Belgique fut naturellement indexée par la diaspora congolaise, à tort ou raison ?, comme ayant comploté à ce ‘hold up électoral’ du siècle[6]. Dès cet instant, la Belgique a, aux yeux de cette diaspora, commis l’irréparable. La réaction spontanée de la diaspora tonna comme une onde de choc qui mit le quartier congolais ‘Matongé’ de Bruxelles sens dessus dessous.

Des échauffourées qui rappelèrent les émeutes de Léopoldville du 4 janvier 1959 ayant accéléré l’accession du Congo à l’indépendance. Des actes considérés par la diaspora comme une explosion d’un peuple meurtri, humilié et constamment combattu par son ancienne métropole. Un peuple qui, par l’action de son porte-voix à l’étranger, veut désormais se prendre en charge.
Les élections congolaises et leur retentissement en Belgique marquent un tournant majeur dans la manière dont la Belgique devrait concevoir ses rapports avec le Peuple Congolais et sa diaspora. Vouloir s’obstiner dans une cécité politique reviendrait à naviguer dans la même ligne politique qu’en 1994 à propos du Rwanda. La Belgique a vu arriver le drame mais n’a rien fait pour le prévenir. La suite fut à la fois fatale pour l’Humanité et dramatique pour le peuple belge qui perdit ses vaillants soldats. Tout cela, à cause d’une certaine politique de l’autruche, qui a laissé les militaires belges sans moyens de défense dans la géhenne rwandaise.
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Analyste Politique Freelance

 


[2] L’Alliance des Patriotes pour la Refondation du Congo est un mouvement d’opposition radicale, dirigé par Mr. Honoré Ngbanda, un ancien conseiller spécial en sécurité de Mobutu. Elle prône la résistance armée contre le régime de Kabila. Un pouvoir qualifié d’occupation au service du Rwanda, à l’instar du régime de Pétain à Vichy en France.
[3] La Nieuw-Vlaamse Alliantie (NV-A) est un parti politique nationaliste belge flamand qui revendique l’indépendance de la Flandre.
[4] Le slogan « azali mwana mboka » a été utilisé par les partisans du candidat JP Bemba entre les 2 tours des scrutins présidentiels en 2006. De retour dans la capitale congolaise le 27 juillet 2006 après une tournée de campagne électorale à l’intérieur du pays, Bemba s’est dirigé à pied de l’aéroport international de N’djili vers le stade Tata Raphaël dans la commune de Kalamu. Kinshasa constituait la dernière étape de sa campagne électorale. Sur le boulevard Lumumba, l’ancien vice-président de la République, marchait au milieu d’une immense foule de centaines de milliers de personnes en liesse, mobilisées pour l’accueillir et qui scandait chaque fois «azali mwana mboka» = c’est un fils du pays.
[5] La Cour Pénale Internationale qualifiée par les africains d’une Cour Politique Internationale, instituée pour assurer une justice des puissants.
[6] C’est ainsi que le célèbre bloggeur congolais de Belgique, Cheik Fita, titrait régulièrement ses publications en rapport avec les élections congolaises dans son blog cheikfitanews.

 

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