La puissance, dans la géopolitique, est souvent le seul arbitre. Les rapports de force dictent les règles, bien au-delà des discours sur le droit international. Cette réalité, certaines nations du Sahel semblent l’avoir très bien intégrée. Elles ne se contentent plus d’être des pions sur l’échiquier mondial. Elles créent leur propre jeu.
La proposition de l’Alliance des États du Sahel (AES) de fonder une Cour Pénale et des Droits Humains du Sahel se révèle être un acte politique fort. Elle marque la volonté de se réapproprier le récit judiciaire et de ne plus s’en remettre à des institutions lointaines, souvent perçues comme partiales. Dans un monde où les grandes puissances se dérobent aux juridictions qu’elles ont elles-mêmes conçues, l’AES offre une réponse. Elle dit en quelque sorte ceci : “Si la justice est une affaire de souveraineté, alors nous exerçons la nôtre. Nous jugerons nos propres affaires, par nos propres moyens.”
Cette initiative traduit une double pertinence. Premièrement, en créant une cour locale, les pays de l’AES affirment leur droit de juger les crimes graves commis sur leur sol. C’est un pas vers la fin de l’impunité, mais surtout, une affirmation que la justice n’est pas un monopole et ne saurait être instrumentalisée. Ce ne serait pas là l’essence même de la renaissance africaine ? À savoir se doter des outils de sa propre émancipation et de sa propre protection ?
Deuxièmement, en dénonçant l’hypocrisie des puissances qui évitent la Cour Pénale Internationale, l’AES expose une faiblesse du système global. Le droit n’a de sens que s’il s’applique à tous. En créant une alternative régionale, les pays sahéliens posent une question fondamentale : qui a le droit de juger, et au nom de qui ? C’est un mouvement qui pourrait inspirer d’autres blocs régionaux, et transformer la justice internationale en un ensemble de juridictions locales interconnectées, plutôt qu’une entité unique et souvent inefficace.
Ce projet n’est, bien sûr, pas sans défis. Toutefois, il représente un exemple parfait de la transformation des idées en actions. La justice est un muscle qui s’entretient par l’exercice, et les pays de l’AES ont choisi de muscler leur souveraineté.